Pour mettre au monde son troisième disque en huit ans, Sébastien Lacombe a fait un retour aux sources salutaire, en effectuant un long détour par Dakar. Il teinte ainsi son folk de résonances world tout en nous entraînant à la rencontre de l'autre.

«Je n'aurais pas fait d'autre disque sans ce séjour au Sénégal, c'est certain.» Sébastien Lacombe a passé près d'un an à Dakar avec sa famille. Sa blonde y a travaillé comme coopérante, ses enfants y sont allés à l'école, et lui y a retrouvé l'envie de créer. «Quand je suis parti, j'étais dans une sorte de vacuum d'inspiration et de carrière, confie-t-il. Ce séjour m'a ouvert à la vie. Donné du souffle.»

L'expérience l'a transformé et a rendu son regard sur le monde encore plus aiguisé. On peut le constater rien qu'en lisant les titres des chansons de Territoires: Je ne suis plus comme avant, D'où je viens, Montréal sous la pluie, Les maîtres du temps, La fin du monde... Elles ont presque toutes été écrites là-bas, inspirées par les gens qu'il a rencontrés, dont beaucoup de musiciens. Curieusement, c'est à leur contact qu'il s'est réconcilié avec le Québec. Résultat: un disque avec des racines mais qui respire la liberté, introspectif mais ouvert aux autres.

«Je voulais sortir de la bulle du je-me-moi», précise Sébastien Lacombe, qui avait surtout besoin de concret, de regarder les gens dans les yeux, de leur serrer la main, de leur parler, de jouer de la musique «juste pour le fun». «Il n'y a pas que le virtuel dans la vie.»

Substance

Les voyages sont un carburant important pour l'auteur-compositeur-interprète, ex-étudiant en bio et aux HEC, qui a d'ailleurs fait son premier disque (Comme au cinéma) à 33 ans, au retour d'un long périple. «J'ai besoin de ça pour me nourrir. Je retrouve d'ailleurs sur Territoires la substance de mon premier disque, même s'il est moins pop. Je ne renie pas mon deuxième (Impressions humaines), mais il a été créé plus rapidement, et je trouve que c'est le moins inspirant des trois.»

Maintenant maître de sa destinée - il est son propre producteur -, il a demandé au multitalentueux Pierre-Philippe Côté, dit Pilou (réalisateur du disque de David Giguère), de travailler avec lui. «Je l'ai choisi pour son ouverture et son immense talent. Ce que j'aime de lui, c'est qu'il ne s'impose pas. Il sait s'effacer, mais il peut aussi suggérer. Par exemple, il entendait du trombone à des endroits où j'imaginais des violons. Je l'ai écouté et je suis content du résultat, c'est vrai que ça me ressemble.»

Son rapport avec les musiciens africains a également déteint sur lui et il a intégré de nombreux styles musicaux. Territoires est d'ailleurs moins rock, plus aéré. «J'ai horreur de la surproduction.»

S'il est passé tout près de ne plus faire de disque - quand on lui demande ce qu'il ferait maintenant, il répond en rigolant: «Je serais riche!» -, Sébastien Lacombe n'a pas pris de décision pour l'avenir. «J'ai surtout envie de mener ce projet jusqu'au bout.»

Les prochains mois seront faits de spectacles dans des petites salles, accompagnés d'images de son voyage, d'un projet de documentaire, de l'écriture d'un roman «qui sera très cru», loin de son style chansonnier plus poétique. Car non seulement Sébastien Lacombe a retrouvé le goût de faire de la musique, mais il s'est découvert un «talent de raconteur» en écrivant un blogue sur le site de Radio-Canada. «J'ai envie d'utiliser ma plume autrement. J'aime la création et je ne veux pas m'arrêter à juste un rôle.»

La suite des choses est donc incertaine pour le quarantenaire qui se demande encore parfois à quoi ça sert de faire des chansons... «Dans une de mes chansons, P'tit gars - qui avait été écrite pour mon fils, mais qui s'adresse finalement aux orphelins sénégalais -, je constate que dans la vie, on fait seulement ce qu'on peut. Moi aussi, je fais ce que je peux, ce que je sais faire de mieux.»

Mais pourquoi construire un disque avec une trame narrative et un fil conducteur, en cette époque où le hit est roi? «Moi, je pense qu'il y a encore de la place pour ce genre de concept. Et il y a de la place pour la chanson en français au Québec. Je sais que je ne serai jamais millionnaire, mais mes enfants ne manquent de rien. C'est ma contribution à la culture québécoise, et ce n'est pas rien. Sinon, ça n'a pas de sens.»

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