Madonna a vendu 180 millions d'albums, mais son déclin commercial est entamé: ses récents albums ne figurent plus au sommet des palmarès de ventes et sa tournée MDNA sera moins lucrative que la tournée Sticky&Sweet, qui a établi un record aux guichets en 2008-2009. Qu'elle soit en déclin ou victime de ses succès passés, la Material Girl reste l'une des artistes les plus rentables.

À 54 ans, Madonna est toujours l'une des chanteuses les plus populaires et les plus riches du monde. Mais son déclin, inévitable pour une vedette de sa stature, vient de s'amorcer.

Sa dernière tournée MDNA, qui s'arrête au Centre Bell, jeudi, et sur les plaines d'Abraham à Québec, samedi, devrait être parmi les 10 tournées les plus lucratives de l'histoire de la musique. Sauf que MDNA ne surpassera pas la tournée précédente de la Madone, Sticky&Sweet, qui avait généré 408 millions US aux guichets en 2008-2009, soit 4,8 millions US en moyenne par concert.

Depuis son coup d'envoi de la tournée MDNA à Tel-Aviv le 31 mai, la tournée de Madonna a généré 80 millions selon Pollstar, soit une moyenne de 3,63 millions par concert. À ce rythme, MDNA générera 319 millions pour ses 88 concerts (une estimation optimiste puisque Madonna a commencé sa tournée en Europe, la partie la plus lucrative de la tournée en raison des stades plus imposants). MDNA serait ainsi la neuvième tournée la plus lucrative de l'histoire de la musique, la troisième pour une artiste solo. En 2012, seul l'ex-Pink Floyd Roger Waters devrait générer plus d'argent aux guichets avec The Wall. Pas mal pour une artiste sur le déclin au plan commercial.

Professeur d'administration à l'Université Columbia et ancien cadre chez Sony Music, Jeremy Kagan louange la longévité de Madonna. «Elle a toujours su se réinventer comme artiste, que ce soit avec le look ou le son, dit Jeremy Kagan en entrevue à La Presse. Les succès peuvent être éphémères en musique pop, mais Madonna a su rester en contact avec son public.»

L'état de l'industrie musicale avantage les artistes établis comùme Madonna, qui vendent moins d'albums, mais sont plus populaires en tournée. À l'époque de son premier no 1 au palmarès, Like a Virgin en 1984, les artistes partaient en tournée pour vendre des albums. Maintenant, ils font des albums pour partir en tournée, leur activité la plus lucrative puisqu'ils gardent jusqu'à 90% des revenus aux guichets.

«Outre de choisir le titre et les chansons, l'artiste a très peu de pouvoir sur les conditions économiques de production de son disque, dit Gary Bongiovanni, rédacteur en chef du magazine Pollstar. Pour les tournées, les artistes populaires ont presque tout le pouvoir. Ils obtiennent la part du lion des revenus d'une tournée. En contrepartie, ils ont beaucoup de dépenses.»

Un record peu enviable

Comme le reste de l'industrie musicale, Madonna a vu ses ventes d'albums décliner au cours de la dernière décennie. Durant sa carrière, la Madone (Madonna Louise Ciccone de son vrai nom) a vendu plus de 180 millions d'albums. Trois de ses quatre derniers albums (American Life en 2003, Hard Candy en 2008 et MDNA en 2012) ont toutefois été des échecs commerciaux, se vendant à moins de 750 000 exemplaires - un seuil bien insuffisant pour être parmi les 10 albums les plus vendus de l'année.

Aux États-Unis, les ventes d'albums de musique ont diminué de 52% de 2000 à 2010. Dans ce climat morose, le dernier album de Madonna, intitulé MDNA comme la tournée, a fracassé en mars dernier un record - de médiocrité, s'entend. Numéro un à sa première semaine avec 359 000 albums vendus, MDNA a subi une baisse de 86% de ses ventes la semaine suivante (48 000 albums vendus, soit la huitième place du palmarès cette semaine-là). Il s'agit de la baisse hebdomadaire la plus abrupte dans l'histoire de la musique. À la décharge de la Madone, 52% de ses ventes de la première semaine (185 000 albums) faisaient partie d'un combo avec des billets de concert.

Plus décevant encore, Madonna avait bénéficié de la meilleure rampe de lancement possible pour MDNA: le spectacle de la mi-temps au Super Bowl. Son concert de 12 minutes, auquel ont participé les entreprises québécoises Moment Factory et le Cirque du Soleil, valait 84 millions de dollars en placement publicitaire selon Forbes.

Mince consolation pour Madonna: les ventes décevantes inquiètent probablement davantage le promoteur Live Nation, qui lui a versé en 2007 une avance de 50 à 60 millions pour produire trois albums.

Plus qu'une chanteuse

Si ses ventes d'album ont diminué, ses sources de revenus se sont diversifiées. En 2006, Madonna faisait une première intrusion dans le monde de la mode en lançant une ligne de vêtements temporaire pour la chaîne H&M. Depuis 2010, elle a sa propre ligne de vêtements, chaussures et accessoires, Material Girl, qui lui rapporterait environ 5 millions par année. En 2010, elle a aussi inauguré avec des associés trois gymnases Hard Candy Fitness, un clin d'oeil à un autre de ses albums.

Dans une semaine, Madonna lancera Truth or Dare, une collection de sacs à main, bijoux et chaussures. Des vêtements devraient suivre en 2013. La Madone s'est associée à l'entreprise québécoise Aldo pour commercialiser Truth or Dare, qui pourrait lui rapporter jusqu'à 60 millions par année.

«C'est une femme d'affaires ambitieuse qui a vite compris que la musique n'allait être qu'une partie de ses activités», conclut Jeremy Kagan, professeur d'administration à l'Université Columbia.

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Le flair de Madonna, le risque de Live Nation

Madonna a toujours eu du flair - que ce soit pour monter un vidéoclip, monter sur une scène ou négocier un contrat de disque.  

En 2007, Madonna a signé un contrat révolutionnaire dans l'industrie de la musique avec Live Nation, qui a payé 120 millions US pour avoir le droit de produire ses tournées, trois albums, en plus d'acquérir les droits sur les produits dérivés. En vertu de l'entente, Madonna conserve 90% des revenus aux guichets lors des tournées - la part habituelle des vedettes de la musique, selon le Wall Street Journal. Avant son association avec Live Nation, Madonna avait endisqué toute sa carrière chez Warner. «À plusieurs égards, Madonna a vendu sa carrière à Live Nation», dit Gary Bongiovanni, rédacteur en chef de Pollstar.  

Live Nation a-t-il payé trop cher? Selon le Wall Street Journal, Live Nation doit vendre au moins 15 millions d'exemplaires de chacun de ses trois albums de Madonna pour rembourser son avance de 50 à 60 millions. Lancé en mars dernier, MDNA est le premier album de Madonna produit par Live Nation, en collaboration avec Interscope. «Ce fut un excellent contrat pour Madonna, mais je ne suis pas sûr que j'en dirais autant pour Live Nation», dit Jeremy Kagan, professeur d'administration à l'Université Columbia et ancien cadre chez Sony Music. «C'est le dilemme de s'associer à un artiste établi: vous ne savez jamais si son auditoire sera toujours au rendez-vous», dit Gary Bongiovanni, de Pollstar.

Live Nation, qui a signé un contrat similaire (100 millions pour 12 ans) avec U2 l'année suivante, n'a pas souvent fait de profits depuis l'arrivée de Madonna. De 2007 à 2011, Live Nation a généré des pertes avant impôts, intérêts et amortissement de 389 millions, soit des pertes moyennes de 78 millions par année. Mince consolation pour les actionnaires de Live Nation, dont le titre a perdu 58% de sa valeur depuis cinq ans? Le promoteur, aussi propriétaire de Ticket Master, a fait de modestes profits (18 millions) l'an dernier et s'est maintenu à flots durant les six premiers mois de 2012.

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Madonna, plus gourmande que Lady Gaga

Ne va pas voir Madonna qui veut: il en coûtera jusqu'à 372$ par billet jeudi soir au Centre Bell. La plupart des billets coûteront 59,50$, 99,50$ ou 181,50$. Ce sera l'un des spectacles les plus chers de l'histoire du Centre Bell.

À titre de comparaison, Lady Gaga demandait 49,50$, 85$ et 175$ pour ses billets au Centre Bell en 2010. Mais Madonna a un avantage sur sa jeune rivale pour fixer le prix de ses billets: son âge. «Le public de Madonna a grandi et a maintenant les moyens de payer des sommes ridiculement élevées pour voir ses concerts», dit Jeremy Kagan, professeur d'administration à l'Université Columbia.

Lady Gaga est peut-être plus populaire, mais elle ne peut pas demander aussi cher pour ses billets, dit Gary Bongiovanni, rédacteur en chef de Pollstar. Madonna a un auditoire plus âgé, plus riche et plus loyal.»

Madonna n'est pas la seule artiste à profiter de son âge: les 10 tournées les plus lucratives de l'histoire ont toutes été effectuées par des artistes ayant déjà atteint leur apogée musicale (U2, les Rolling Stones, AC/DC, The Police, Roger Waters).