Hier au Centre Bell, 6734 spectateurs ont plongé tête première dans les années 60 en compagnie des Beach Boys. Pendant deux heures et demie de musique, ils ont fait comme si les septuagénaires sur la scène étaient encore des gars dans la jeune vingtaine qui tripaient surf, voitures sport et cheerleaders.

Faut dire que le timing était parfait pour un show des Beach Boys en cette soirée montréalaise caniculaire. Et sans retomber dans l'innocence qu'évoquaient les images d'une autre époque sur l'écran derrière les musiciens, leurs chansons agissaient comme un baume sur l'actualité pas très jojo des dernières semaines à Montréal.

N'empêche, par moments, fallait vraiment vouloir jouer le jeu. Les Beach Boys célèbrent leurs 50 ans d'existence et Brian Wilson, leur génie amoché par la vie, a fêté ses 70 ans devant le public montréalais qui lui a chanté Happy Birthday. Ses frères Dennis et Carl ont ressuscité le temps d'une chanson chacun sur l'écran pendant que les autres faisaient les harmonies, mais il reste encore aujourd'hui cinq garçons de la plage en comptant le guitariste David Marks qui n'a fait que passer dans l'histoire du groupe auquel il est toutefois fort utile dans ce spectacle. Et on ne se racontera pas d'histoire : ce n'est pas par amour tendre que les cousins Brian Wilson et Mike Love ont entrepris cette tournée lucrative.

Wilson, à l'abri derrière son piano mais qui s'est dégelé progressivement jusqu'à se pointer  à l'avant de la scène avec sa guitare au rappel, et l'omniprésent Love ne sont plus les chanteurs qu'ils étaient jadis, même si la voix fragile de Wilson est porteuse d'émotion. De tous les chanteurs solistes, seul Al Jardine s'en tire élégamment. Mais dès que les autres s'en mêlent, leurs harmonies vocales célestes agissent comme des bouées de sauvetage et la magie est intacte. Il faut en remercier les deux guitaristes qui les accompagnent et qui peuvent chanter d'une voix de fausset, dont Jeffrey Foskett qui a livré une Don't Worry Baby impeccable.

L'autre grand atout des Beach Boys, c'est évidemment leurs chansons. Ils en ont joué pas moins de 48. Il y avait dans le tas, surtout dans la première partie axée davantage sur le début des années 60, des choses peu mémorables, mais on a eu droit à quatre ou cinq séquences de chansons irrésistibles. Ajoutez à cela des guitares qui sonnaient vraiment vintage et une dizaine de musiciens accompagnateurs discrets et efficaces et vous comprendrez pourquoi la presque totalité de ces spectateurs qui en avaient sans doute perdu l'habitude se sont levés pour danser et chanter I Get Around, California Girls et Help Me Rhonda.

Parmi les moments d'une rare beauté, mentionnons le doublé de Pet Sounds (Sloop John B et Wouldn't It Be Nice), la toujours originale Good Vibrations et l'exquise In My Room dont les choeurs auraient fait baver d'envie les Bel Canto (!) qui l'avaient reprise en français. Je me suis même surpris à chanter à pleins poumons la nouvelle That's Why God Made the Radio, une chanson résolument rétro mais dont les magnifiques harmonies font oublier que les Beach Boys s'y caricaturent un peu.

Une bien belle soirée.