Après des décennies aux prises de la censure officielle, la scène musicale contemporaine chinoise s'affirme enfin, dopée par la mode des concerts, les possibilités de l'internet et le désir du gouvernement de profiter d'un marché en pleine croissance.

Les groupes indépendants chinois ont fait une irruption tardive dans la musique moderne, en passant largement à côté de l'époque lucrative des disques vinyles, des cassettes et des disques compacts. Ils ont aussi énormément souffert de la préférence des radiodiffuseurs d'État pour la musique pop.

Mais du rock au rap et du hip-hop au son grunge, la scène indépendante s'est animée ces dernières années, l'internet et les salles de concert offrant une vitrine aux groupes qui étaient boudés par la télévision et la radio d'État.

«Depuis que je suis ici, tout a changé», commente Helen Feng, chanteuse de la formation de musique électro Nova Heart, qui est revenue en 2003 vivre dans sa ville natale, Pékin. Elle vient d'achever une tournée européenne.

«Il y a eu d'énormes changements dans la scène musicale. Tout s'est amélioré, il y a plus de libertés personnelles, le nombre de groupes a augmenté, le nombre de sites a augmenté, les aides financières sont plus nombreuses, le nombre de fans a progressé».

Née à Pékin de parents chinois, Mlle Feng, 34 ans, a passé la majeure partie de son enfance aux États-Unis où elle a grandi en écoutant Natalie Cole ou George Gershwin. Elle a par la suite obtenu un diplôme en musique de l'Université de Californie du Sud.

Depuis son retour en Chine, cette diva blonde a fait l'actualité au sein de trois groupes différents à succès, tout en collaborant avec des médias publics chinois et le géant musical américain MTV.

Habituée des festivals de musique en plein air, elle assure que le gouvernement ne témoigne aujourd'hui guère d'aversion pour la musique moderne, une opinion partagée par le producteur Kenny Bloom.

«Le gouvernement est devenu favorable à l'industrie de la musique. Personne n'est banni en Chine et personne n'est arrêté pour avoir chanté une chanson, du moins pas à ma connaissance», déclare ce propriétaire d'une plate-forme  internet qui assure la promotion de groupes «indie» chinois.

Selon lui, parmi la centaine de festivals de musique qui ont désormais lieu chaque année en Chine, beaucoup sont parrainés par les gouvernements locaux désireux de présenter les entreprises de leur région, favoriser le tourisme régional et laisser l'industrie musicale se développer.

«Le fait qu'ils donnent des permis à tous ces festivals de musique est un excellent signal. Ils permettent à ces grands festivals d'avoir lieu, avec un public allant jusqu'à 60 000 personnes. Et personne ne semble s'en soucier».

Kenny Bloom a produit l'emblématique rocker Cui Jian, apparu dans la deuxième moitié des années 80 et demeuré l'une des plus grandes stars actuelles, au point qu'on la surnommé le «Parrain du rock and roll chinois».

Il a ensuite créé en 2009 Mogo.com.cn, un site de promotion de la musique indépendante en Chine. On y trouve des photos de milliers de spectacles joués par environ 300 groupes indépendants, que les utilisateurs peuvent visionner gratuitement.

Pour en faire grossir le contenu, il a mis au point une formule bien rodée avec les groupes: les musiciens acceptent d'être enregistrés de façon professionnelle dans le studio pékinois de Bloom, en échange de quoi le producteur met en ligne leur concert sur son site web, sans frais.

«La plate-forme internet Mogo est vraiment cool... c'est un site professionnel de vidéos. Cela nous permet de voir ce que font les autres groupes», explique à l'AFP Qi Zihan, chanteur du groupe folklorique de musique électronique Mountain people.