Considéré par plusieurs comme le plat principal du premier banquet qu'offre Mutek, l'Allemand Sascha Ring y est un habitué : sous les bannières Apparat ou Moderat, plusieurs de ses concerts y ont été présentés car la direction artistique du festival montréalais le considère comme l'un des artistes majeurs de ce territoire musical.

Longtemps associée à une esthétique purement électronique, intelligent dance music (IDM) et plus encore, la musique de Sascha Ring a vécu d'importantes mutations, à tel point que l'artiste tourne désormais avec une formation de quatre instrumentistes l'incluant, d'où l'appellation Apparat Band. À la SAT ce mercredi, elle jouera essentiellement la matière de l'album The Devil's Walk, paru en 2011 sous étiquette Mute.

« Depuis cinq ans environ, explique son leader, la musique instrumentale s'est progressivement intégrée à mon univers. Avant quoi je croyais que la musique instrumentale était associée au passé; musique classique, opéra, pop, etc. Les choses se sont produites naturellement j'imagine. J'ai alors réalisé que mes idées plus récentes étaient vocales.

« Avant de faire cet album, la seule chose dont j'étais sûr était que je voulais faire une performance avec un groupe. Après la tournée Moderat que j'ai faite avec Modeselektor, j'ai eu envie d'être sur scène avec d'autres personnes. Avec la perspective d'être surpris par des collègues. Ainsi, The Devil's Walk n'aurait pu exister sans Moderat. »

Et quels en sont les ingrédients?

« Il y a du conscient, il y a aussi de l'inconscient dans cette évolution, répond Sascha Ring. Par exemple, je ressens consciemment l'influence de Steve Reich dans ma musique, tandis que d'autres sons émergent sans que je n'y aie songé.  Il y a aussi la vie qui modèle mon imaginaire; les voyages, les ambiances urbaines, les sons de la rue et tant d'autres aspects de l'existence ont un impact direct sur ma musique. »

D'abord DJ, puis créateur électronique, Sascha Ring a opté pour ce qu'il nomme « l'imperfection séduisante du jeu ».

«Aujourd'hui, estime-t-il, la part électronique de ma musique est devenue un instrument de ma boîte à outils. Et non le concept principal. Apparat Band demeure tout de même très électronique, mais différent parce que d'autres participent. Après avoir longtemps travaillé seul, il faut dire, j'ai dû mettre du temps à autoriser l'intervention d'autres musiciens. Ainsi, j'ai commencé seul, puis j'ai reçu l'aide de Joshua Eustis de Telefon Tel Aviv. Mat, mon claviériste, est ensuite devenu coréalisateur de l'album avant que se joignent les autres musiciens.

«Ainsi, nous sommes quatre sur scène : deux claviers, un batteur et moi-même qui chante et joue la guitare. Je veux quelque chose d'organique. Pas question de séquences balancées par un ordinateur, tout doit être joué en temps réel, sauf les boucles (néanmoins créées en direct). Les ordinateurs aident à produire des effets mais ne génèrent pas directement de sons. Il faut arrimer deux mondes, présenter un tout plus homogène. Par exemple, adapter des sons de synthèse qui n'ont pas toujours bien fonctionné avec une guitare, par exemple. »

Aujourd'hui, Sascha Ring a le sentiment d'avoir fait un grand bond en avant avec l'Apparat Band.

« Je propose une manière générale de jouer mais je ne dicte pas leur approche individuelle. Ça fonctionne toujours ainsi car j'ai choisi les bons musiciens. Nous travaillons ensemble. Ce fut pour moi un processus très intéressant que de transformer la matière de cet album en concert. Et ça me donne déjà une bonne idée de mon prochain album. »

Et comment l'auditoire réagit-il à cette mutation ?

« Après coup, confie Sascha Ring, je me rends compte qu'il s'agissait d'un risque. J'ai été un peu naïf avant de réaliser que certains fans ne pourraient endosser la démarche. Une petite minorité, tout compte fait : je constate que mon auditoire est ouvert d'esprit.  Il retrouve des mêmes qualités similaires à ma musique même si les outils ne sont plus les mêmes. La voix, notamment, soit le plus intuitif de tous les instruments dont j'ai dû apprendre les bases. Franchement, c'est plus facile que je ne le croyais. »

L'Anglais Percy Bysshe Shelley, un des plus grands auteurs romantiques du 19e siècle, écrivit The Devil's Walk: A Ballad dont le titre a été partiellement repris par Apparat. Pourquoi donc ?

«Je m'intéresse au romantisme en littérature et.. oui, cet album est imprégné de romantisme et de mélancolie. Mais la lumière au bout du tunnel ! »

Invité par Mutek, l'Apparat Band se produit ce mercredi, 22h, dans le cadre de Nocturne 1 présenté à la SAT.