Au fil de moult décennies d'audace, le trompettiste Wadada Leo Smith a mis au point son propre système de composition. Samedi soir au Colisée des Bois-Francs, les amateurs de jazz contemporain ont pu en apprécier les tenants et aboutissants. Ils ont pu se faire une tête de Ten Freedom Summers, projet colossal de plusieurs albums bientôt mis en vente sous étiquette Cunneiform et dont on a pu entendre des extraits représentatifs.

En fait, le système de Leo Smith ne déroge pas particulièrement à l'idée que l'on se fait du jazz contemporain. La notation peut être différente pour ses interprètes, les éléments mis en jeu laissent une impression similaire aux formes mises au point depuis un demi-siècle: alternance de jeu aléatoire et de structures, variété de cellules rythmiques, exigence de virtuosité dans l'interprétation.

Imposante section rythmique au programme: frémissements de cymbales et de peaux signés Susie Ibarra, rythmes plus costauds de Pheeroan Aklaff, lignes imperturbables du contrebassiste John Lindbergh. Un pianiste de renom: Anthony Davis se prête humblement ici aux climats suggérés par son chef. À 70 ans, le trompettiste témoigne encore d'une sonorité virile et d'une articulation typique du langage post free.

Des projections signées Jesse Gilbert offrent un fondu enchaîné de formes abstraites en mouvement, d'images de leaders historiques du mouvement afro-américain (Malcolm X, Martin Luther King, etc.) et de la performance filmée en direct. Alors? Cette suite de tableaux sonores est typique de cette génération ayant passé du free jazz à une organisation plus rigoureuse des sons... sans toutefois rivaliser avec la grande composition orchestrale.

Parmi les membres les plus réputés de l'Association for the Advancement of Creative Musicians, un organisme né à Chicago dans les années 60, Wadada Leo Smith est parmi ceux qui n'ont cessé de chercher... mais dont l'esthétique d'ensemble tend à se stabiliser comme c'est le cas de la plupart des créateurs ayant atteint cet âge vénérable.