Pour un soir, Véronique Sanson revient à Montréal, creuset de ses premiers triomphes.

Une nuit je m'endors avec lui/Mais je sais qu'on nous l'interdit...

Pendant que la France préférait Besoin de personne, le Québec vibrant des années 70 avait adopté d'emblée Amoureuse, que chantait cette petite blonde belle et talentueuse qui, à bien des égards, lui ressemblait dans sa quête d'authenticité, son goût pour la fête et sa volonté - peut-être son obligation - de conjuguer francophonie et américanité. Avec, en plus, un patronyme bien établi ici, Véronique Sanson avait tout pour plaire.

Tournée avec Claude Dubois et le Ville-Émard Blues Band et concert à la cocathédrale Saint-Antoine-de-Padoue de Longueuil enregistré par la CBC (1973), lit-on dans sansonquebec.com, tabac total à la Place des nations de Terre des hommes (1974), triomphe à Wilfrid-Pelletier et au Jardin des étoiles (1975): jamais une chanteuse, Française ou autre, n'avait conquis le pays de si fulgurante manière.

«Les gens d'ici m'ont toujours accueillie de façon extraordinaire», nous dira Véronique Sanson, rencontrée au cours de son récent passage à Montréal où elle venait faire la promotion de son concert du 1er juin au Théâtre St-Denis. Assise, élégante et frêle, dans le trop grand sofa de sa suite du centre-ville, la chanteuse tente de répondre à la question de sa durabilité dans un business où les carrières tournent court: «Je n'ai jamais voulu aller où la musique ambiante me menait. J'ai toujours tenté de créer ma propre mode», explique-t-elle, précisant qu'elle n'avait jamais changé ses conceptions musicales ou littéraires.

Et Véronique Sanson de rappeler qu'elle avait connu un parcours très différent de celui des jeunes stars d'aujourd'hui, propulsées à l'avant-scène par des émissions comme StarAc et autres concours de la téléréalité. «Il faut à ces jeunes gens beaucoup de courage pour se retrouver, comme ça, sous les feux de la rampe sans y être préparés. Nous, nous avions à cultiver la patience... qui n'était pas d'ailleurs ma qualité première.»

Cette impatience brûlante dans sa «drôle de vie» se transforme en véritable incandescence quand Véronique Sanson monte sur scène et s'assoit à son piano pour se livrer, corps et âme, sur l'autel de la musique. Dire que la dame est une bête de scène ne rend qu'une partie de la vérité... «Je conçois le spectacle comme un transfert d'énergie entre l'artiste et les gens qui lui font l'honneur de venir le voir.»

Grâce à Valiquette

Véronique Sanson s'amène à Montréal avec une douzaine de musiciens dont les cuivres qui l'accompagnaient au Cirque royal de Bruxelles au début de cette tournée, dans la foulée du CD Plusieurs lunes (2010), performance dont le DVD fait partie du coffret «collector» d'Amoureuse, ce grand disque que les Québécois ont découvert en 1972 grâce à... Gilles Valiquette.

«Nous étions dans le bureau du directeur de Warner, à discuter du prochain disque des Séguin dont j'étais le guitariste», se rappelle le premier chanteur cool du Québec. «Il a ouvert une boîte de disques - «Encore des maudits Franças qui pognent pas ici!» - où il y avait Amoureuse, réalisée par Michel Berger. Le réalisateur René Letarte et moi avons apporté le disque à André Rhéaume à CHOM qui l'a fait jouer tout de suite. Trois auditeurs ont téléphoné - "C'est qui, ça?" - et on connaît la suite: Amoureuse a fini disque d'or, à plus de 50 000 copies.»

Gilles Valiquette s'est ensuite lié d'amitié avec Véronique Sanson qui, dans la foulée de l'album Vancouver de 1977, l'a invité à participer à sa tournée. «C'était sa première grande tournée en France. Elle devait durer six semaines et on a fait quatre mois...» Amoureuse avait fait des petits.

Quarante ans plus tard, Véronique Sanson revient dans la ville de ses premiers triomphes, peut-être plus sereine, mais combative comme au premier jour: Besoin de personne/Pour choisir le chemin de ma vie.

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Véronique Sanson, au Théâtre St-Denis, le 1er juin, à 20h.