Cela fait maintenant partie de l'histoire: les chemins des membres du collectif Canailles se sont croisés au parc Lafontaine, où ils ont commencé à faire de la musique ensemble à l'été 2008. «On faisait des reprises bluegrass de Bill Munroe et Lake of Stew», raconte la chanteuse Daphné Brissette, qui a une voix unique éraillée et inspirée à la Janis Joplin.

«C'était improvisé. J'avais un ukulele. On a commencé à jammer... et on a pogné des tickets!», se souvient le multiinstrumentiste et chanteur Érik Evans.

À l'époque, le groupe s'appelait Drunken Sailors, à l'image de son approche «boboche» et «fêtarde». Mais mine de rien, les sous faits à jouer au carré Saint-Louis ont permis au collectif de faire des spectacles dans des salles comme le Quai des brumes ou d'être invité au Festival de la chanson de Tadoussac.

Sans le savoir, «les étapes nous fonçaient dedans», dit avec du recul Érik.

C'est là que Drunken Sailors allait changer de nom pour Canailles, et que la formation multivoix allait décider de faire ses compositions en français. Quand on fait une musique qui entremêle country, folk, blues, rock garage et americana dans une ambiance de vaudeville, disons que l'association n'est pas naturelle. «La composition a été un long processus, raconte Daphné. J'étais persuadée que ma voix ne pouvait pas se transposer en français.»

Mais en découvrant la musique cajun de la Louisiane des Frères Barton, par exemple, la jeune femme s'est dit: «Ça se peut.» Le français était aussi un choix social. «Je vis en français», dit-elle.

En fignolant ses textes, Daphné a découvert «la beauté extraordinaire» de la langue française. «Quand elle s'est mise à chanter, nous sommes tous tombés sur le cul, raconte Érik. On s'est mis à jammer et cela n'a pas pris deux minutes.»

Bernard Adamus

Érik, Dan Tremblay et Alice Tougas signent également des textes. Sinon, Canailles est complété d'Annie Carpentier, Benjamin Proulx-Mathers, Antoine Tardif et JP-Tremblay qui sont cachés derrière leur harmonica, accordéon, ou encore sous leur planche à laver ou leur contrebasse. C'est sans compter Bernard Adamus, qui est un fidèle ami et collaborateur de la troupe.

«C'est le petit frère ultra présent ou le père qu'on devrait materner, blague Érik. Il a toujours été une figure prenante dans le band. C'est à cause de lui qu'on a pu enregistrer un EP avec Éric Villeneuve.»

À huit membres, est-ce que les querelles de famille éclatent facilement au sein de Canailles? «Côté musical, on s'est toujours bien entendu. La composition se fait dans les arrangements, donc c'est comme si la toune appartenait à tout le monde», indique Érik.

L'an dernier, Canailles a pris la décision de participer aux Francouvertes, en pesant le pour et le contre. «Ça nous a fait sortir le fouet et faire des spectacles moins bruns», raconte Érik Evans.

Au bout du compte, Canailles a fait la finale et s'est fait offrir un contrat de disque avec Grosse Boîte (Jimmy Hunt, Coeur de pirate, Adamus). Puis, le collectif a choisi de confier la réalisation de son disque au seul et unique Socalled. «On a entendu l'album qu'il a fait avec Geoff Burner, du genre de punk klezmer, et on trouvait que l'album sonnait vraiment bien», raconte Daphné.

En studio, Socalled a été un guide plus qu'un chef d'orchestre. «On voulait que l'album rende ce qu'on fait en show. On a enregistré les instruments live pour garder le grain dans le son et pour faire comme si les gens sont avec nous dans le salon.»

Oui, Canailles est un «groupe de shows» à l'énergie unique. Et son premier disque est à la hauteur de sa folie collective et de son sens de la fête auquel le public ne peut pas résister. Ce n'est pour rien que le groupe est invité dans des festivals en Louisiane, au Yukon et à Vancouver, et qu'après le spectacle qu'il a donné au Festival South by Southwest (SXSW), le propriétaire d'un bar a essayé de les convaincre de déménager au Texas.