Le vétéran MC Imposs, membre du trio Muzion, revient à la charge avec Peacetolet, disque arc-en-ciel qui tangue entre le rap-house tendance radio FM et le rap pur et dur plus rugueux, sans jamais faire de concession sur les thèmes abordés.

«J'avais besoin de prendre une pause, besoin de prendre le temps de vivre», dit le rappeur pour justifier les cinq années qui se sont écoulées depuis la sortie de Mon poing d'vue. «Beaucoup de choses se sont passées depuis mon premier disque. Mon pays est tombé», ajoute-t-il, évoquant le séisme en Haïti qui a coûté la vie à des proches. «Et mon meilleur ami s'est suicidé.»

Le nom de scène de cet ami disparu était Psycho C (il avait collaboré comme DJ avec Muzion). Lorsqu'on a retrouvé son corps, «il avait dans son sac à dos des flyers d'un concert qu'on organisait encore», indique Imposs. La dernière chanson du disque, C'est ça ma vie, lui rend hommage.

Beaucoup de matière à réflexion, et à inspiration, pour un nouvel album, aux textes plus profonds que ce que certaines productions plus pop pourraient laisser croire. La fierté de ses racines créoles dans Richesse québécoise se mêle aux labeurs et misères de la vie de quartier, entrecoupée de refrains accrocheurs - étonnante 2e souffle, avec Sans Pression et France D'Amour! - et de chansons-soupapes comme On s'évade.

Le disque d'Imposs, Peacetolet, n'est pourtant pas plombé par la déprime, même s'il contient les chansons «les plus personnelles et introspectives» qu'il ait écrites. Le premier extrait, Enfermé dans ma liberté, en duo avec Corneille, est une jolie bombe rap-pop qui n'a rien à envier à Drake, Flo Rida et les autres.

Sur les chemins tracés

Sur le plan de la musicalité, Imposs n'a pas peur de continuer sur le chemin tracé par le précédent album, déjà ouvert à la pop. Que ses habits dance ne vous leurrent pas, on y trouve ce qu'Imposs a de meilleur à offrir: des textes qui grattent les bobos, une voix musclée qui impose le respect et une prosodie qui force l'écoute attentive.

Peacetolet a été réalisé par Louis Côté, collaborateur de longue date. «Louis m'a vraiment aidé à transposer en studio ce que j'avais dans la tête, la musique et les messages que j'entendais. Le résultat n'est pas nécessairement pop, mais certainement plus dansant, plus groovy. L'important, c'est moins la manière que l'énergie qu'il faut mettre dans ce genre de chanson.»

Il a beau être doué, Imposs, c'est tout de même un petit exploit de le voir encore actif, presque 20 ans après ses débuts avec Muzion. D'autant plus que la scène hip-hop, ici comme ailleurs, se voit complètement chamboulée par l'arrivée de jeunes loups qui semblent tout comprendre de l'usage du web et des réseaux sociaux.

«C'est un autre monde, reconnaît le vétéran. Avant, c'était un marché de démos et de singles, dont on servait pour essayer d'intéresser les maisons de disques. Aujourd'hui, tout est viral, tout doit se retrouver sur le web. Il faut évoluer pour pouvoir communiquer avec les gens, pour passer son message.»

Imposs l'a compris: au cours des 18 derniers mois, il s'est inspiré des tactiques de A$AP Rocky, Lil'B et autres passés maîtres dans la manipulation des outils web. À un rythme soutenu, il a distribué un mixtape, une série de chansons et de démos déversés pièce par pièce, semaine par semaine, sur YouTube. «C'est aussi une manière de remercier son public, il ne faut pas oublier ça», dit-il.

Peacetolet, de Imposs. Atlantic