Après Manchester, Londres et Toronto, l'opéra de Rufus Wainwright vient finalement de débarquer à New York, où il aurait normalement dû faire ses débuts. Pour le chanteur, la boucle est désormais (presque) bouclée.

Vêtu d'un complet bleu marine rehaussé de minuscules imprimés bleu poudre, une scintillante broche en forme d'araignée épinglée à la boutonnière, Rufus Wainwright était visiblement serein, mardi soir, pour la seconde représentation de son opéra à la Brooklyn Academy of Music de New York.

Entre deux conversations avec le musicien Mark Ronson (qui réalise le prochain album du Montréalais) et la designer française Catherine Malandrino, il a confié à La Presse qu'il était «extrêmement satisfait» de voir enfin son opéra produit sur une scène new-yorkaise.

Et pour cause: quand il a commencé à écrire Prima Donna, il y a près de cinq ans, le plus baroque des chanteurs de pop ne se doutait certainement pas qu'il faudrait autant de temps avant que son opéra soit présenté dans sa ville d'adoption.

«Ce projet m'a fait passer par toutes sortes d'émotions, comme plusieurs montagnes russes qui entreraient en collision les unes avec les autres!», dit-il dans un éclat de rire.

Vrai que l'histoire de Prima Donna n'a pas été simple. Le Metropolitan Opera, qui a commissionné le projet, s'est désisté en prétextant qu'il était trop risqué de présenter un opéra en français à New York. Devenu une coproduction financée par plusieurs festivals, le projet a finalement eu sa première en 2009, en Angleterre, au Manchester International Festival.

Sauf que cette première mouture n'était pas au goût du chanteur, qui l'a largement remaniée, changeant même de metteur en scène pour sa présentation à Londres.

»Toute une aventure»

Quant à la première new-yorkaise, elle a bien failli ne pas avoir lieu. Le New York City Opera, qui s'était associé au projet sur le tard, a failli annuler sa saison 2012 en raison d'un conflit avec ses employés. «Oui, cela a été toute une aventure, avec tous les rires et les larmes qu'un grand drame implique», précise Wainwright.

Sorte d'opéra sur l'opéra, Prima Donna met en scène une diva, Régine Saint Laurent (Melody Moore), qui espère remonter sur scène après six longues années d'absence. Toute l'action se déroule dans ses appartements parisiens alors qu'elle s'éprend d'un journaliste (Taylor Stayton) venu l'interviewer.

Réactions mitigées

La minceur de la trame, soulignée par bien des critiques anglais en 2009, a également irrité les critiques new-yorkais. Le New York Times, qui a trouvé des qualités à l'opéra, a surtout déploré la légèreté de certains dialogues et la minceur du propos. À ses yeux, Prima Donna est un opéra «chic, mais sans but».

Plus cinglant, le critique du Wall Street Journal a écrit que Prima Donna est «un condensé de clichés». Si cette dernière remarque est sans doute sévère et ne rend pas justice au souffle de la partition, il est par contre vrai que Melody Moore manque un peu de charisme dans le rôle principal. Elle n'a pas l'étoffe d'une diva et encore moins d'une capricieuse prima donna.

Le directeur général et directeur artistique du New York City Opera, George Steel, fait fi de ces critiques. Lui-même sceptique lorsque Rufus Wainwright l'a approché, en 2009, il dit être tombé sous le charme du travail du chanteur.

«Cela me paraissait invraisemblable qu'un compositeur de pop puisse écrire un opéra au complet. Je suis allé à la première à Manchester et j'ai été époustouflé», a-t-il dit à l'entracte.

Après New York, où il est présenté jusqu'à samedi, l'opéra a de bonnes chances de reprendre la route au cours des mois à venir. «Il y a deux autres compagnies qui sont très intéressées en Amérique du Nord, mais je ne peux pas en dire plus pour l'instant», confie Rufus Wainwright.