Dans le cadre de Montréal en lumière, les questions qui suivent sont posées à Kiya Tabassian, directeur artistique de l'ensemble Constantinople, dont l'objet est de transcender le patrimoine musical du Moyen Âge et de la Renaissance ayant dominé l'Europe de la Méditerranée et le Moyen-Orient. Pour commémorer ses dix ans d'existence, la formation montréalaise compte s'illustrer par un concert intitulé Rythmes en voltige.

L'axe central de ce nouveau concert est la percussion et le rythme. Quels sont les percussionnistes de cet axe ?

Misirli Ahmet jouera la darbouka. Son surnom signifie Ahmed l'Égyptien, même s'il est Turc et basé à Istanbul; c'est qu'il a vécu un an dans le désert égyptien où il a travaillé sur ses propres techniques. Il y a inventé un langage qui lui est propre, il est désormais considéré comme un maître de la darbouka. Il est respecté dans le monde et aussi en Égypte, le pays par excellence de la darbouka. C'est la deuxième fois que Constantinople travaille avec Ahmet.  L'autre invité sera Zohar Fresco, grand percussionniste israélien (de Tel-Aviv) et dont les ancêtres ont vécu en Turquie. Mon frère Ziya Tabassian sera au tombak, instrument de percussion

de mains d'origine persane. Pour la première fois au sein de Constantinople, trois percussionnistes seront réunis.

Par qui les percussionnistes seront-ils complétés?

Par Amir Amiri, musicien d'origine iranienne qui vit à Winnipeg; il joue le santour, un instrument à cordes frappées. Pierre-Yves Martel jouera la viole de gambe. Je jouerai le sétar, un luth persan dont on pince les cordes. Constitué de mon frère Ziya, Pierre-Yves et moi-même, l'ensemble Constantinople est à géométrie variable.

Comment avez-vous conçu ce concert ?

Une semaine en résidence de création au Banff Centre for the Arts a été nécessaire pour le préparer. Nous avons accueilli à Banff pour une semaine au bout de laquelle nous serons prêts à présenter un premier concert à Montréal. Au cours des mois qui viennent, ce projet sera présenté dans plusieurs villes du monde, particulièrement en Europe.

Pendant cette semaine de préparation, quelles ont été les consignes de

création?

Autour de cette idée du rythme et de la percussion, chacun des six musiciens a préparé deux pièces mi-improvisées mi-écrites. Nous les avons ensuite développées en atelier.

S'agit-il de musique traditionnelle au bout du compte?

Pour chaque projet de Constantinople, en fait, nous puisons dans les traditions orales et les manuscrits anciens mais nous ne les utilisons qu'à titre de matériaux. Nous faisons un usage personnel de ces approches ancestrales et nous débordons largement la tradition. Nous ne croyons pas aux traditions figées, en fait; la musique doit rester vivante et les instrumentistes créatifs. Même si nous provenons tous d'une tradition, la musique doit puiser son inspiration dans le moment présent.

Constantinople est constitué de deux Québécois d'origine iranienne et d'un Québécois de souche. Peut-on qualifier votre musique d'orientale?

Nous évoluons en Occident. Les gens qui vivent en Orient entendent la différence au contact de notre musique. À Montréal, nous avons un public magnifique qui écoute avec son coeur et ses émotions, on y ressent des choses qui ne se ressentent pas systématiquement ailleurs.

Pourquoi avoir choisi Montréal pour base de Constantinople ?

Chaque année, nous donnons une quarantaine de concerts dans le monde, mais nous offrons une saison régulière depuis 10 ans à Montréal, qui comporte chaque année trois ou quatre concerts à la salle Pierre-Mercure. Or, pour notre dixième anniversaire, nous avons prévu sept concerts dont quelques-uns à la Chapelle Historique du Bon-Pasteur. On y a conquis un public très varié depuis dix ans, on y attire les communautés culturelles de nos artistes invités. Le concept de la rencontre y est fondamental - à l'image de Constantinople qui fut jadis une ville de rencontres : rencontre de traditions culturelles, langages et communautés. Ce brassage-là nous intéresse, nous essayons d'aller le plus possible dans la profondeur. Il faut dire que Constantinople n'aurait pu naître ailleurs qu'à Montréal. Ici, artistes et mélomanes ont les bras ouverts.

Dans le cadre du festival Montréal en lumière, Constantinople présente le concert Rythmes en voltige ce lundi, 20h, salle Pierre-Mercure.