Créée à Québec au printemps 2010, le Cabaret Gainsbourg jouit d'une rumeur extrêmement favorable. Ce spectacle de marionnettes «pour adultes» imaginé par le Théâtre Pupulus Mordicus s'arrête enfin à Montréal, après une tournée québécoise d'une quarantaine de représentations.

L'idée de ce Cabaret a germé dans la tête de Martin Genest après l'écoute d'une compilation de Serge Gainsbourg, Du jazz dans le ravin.

C'était en 2002, à Québec. Le confondateur de Pupulus Mordicus, qui signe la mise en scène de ce spectacle, y relevait la qualité des textes, «riches de sens étranges», composés entre 1958 et 1964. Gainsbourg était alors fortement influencé par des artistes comme Dave Brubeck, Django Rheinhardt ou Art Tatum.

Le projet s'est précisé au fil des ans. Chacune des 14 chansons de la compilation a été transformée en numéro. Les six comédiens, chanteurs et musiciens ont créé des univers où se mêlent humour et poésie. Dans une forme musicale qui puise dans le théâtre d'objets, avec masques et marionnettes manipulés à vue. La spécialité de la troupe.

L'artisan de ces marionnettes, c'est Pierre Robitaille, l'autre cofondateur de Pupulus, qui fait également partie de la distribution et que l'on connaît grâce à ses nombreuses collaborations avec L'Ubus théâtre. Il a conçu une vingtaine de personnages, dont un Gainsbourg de 7 pieds. En plus des nombreux masques portés par les comédiens.

«Gainsbourg touchait à tout, explique Pierre Robitaille. Il voulait d'ailleurs devenir peintre à ses débuts. Pas chanteur. Après, il a touché à tous les genres musicaux, comme le jazz, bien sûr, mais aussi le reggae, le rock, le yéyé, le funk, etc., d'où le côté hétéroclite de ce Cabaret où nous jouons, nous dansons, nous peignons. C'est très organique!»

Exemple: Les sucettes, chantée par France Gall, alors qu'elle avait à peine 15 ans. «Nous avons choisi de mettre en scène une petite chaperonnette à pois qui mange des champignons magiques et voit apparaître des fleurs! révèle Pierre Robitaille. Évidemment, France Gall ne pouvait pas comprendre le double sens des paroles de Gainsbourg. Elle chantait avec beaucoup de naïveté. Nous jouons là-dessus.»

Parmi les autres titres, mentionnons Les femmes, c'est du chinois, où l'un des comédiens porte un chou en lieu et place de sa tête. Il l'effeuille et l'effeuille jusqu'à ce qu'apparaisse une petite geisha de 10 pouces. «C'est pas compliqué, il y a des femmes dans toutes les chansons de Gainsbourg, dit Pierre Robitaille. Avec les personnages des chansons, nous avons construit de petites histoires.»

«Dans La fille au rasoir, poursuit-il, nous avons imaginé un plateau de télévision. Une femme se met à chanter avec Gainsbourg en chantant dans un micro ayant la forme d'un Remington. Elle fait mine de se raser les jambes avec le micro, pendant que lui devient le rasoir... et se frotte sur ses jambes! Toute la théâtralité est dans dans le personnage de Gainsbourg.»

Mais toutes les chansons ne sont pas aussi grivoises. La chanson de Maglia («Vous êtes bien belle, et je suis bien laid...») est un texte de Victor Hugo, rappelle Pierre Robitaille. «C'est une chanson très émouvante où nous avons placé quatre miroirs qui déforment Gainsbourg. Cette fois encore, une femme fait son apparition sur scène.»

En plus des 14 chansons, quelques autres numéros ont été ajoutés, dont une chanson écrite par Anne-Marie Olivier, «à la manière de Gainsbourg». «Cette chanson est une sorte de slam, explique encore Pierre Robitaille. Bien sûr, ça parle des déchirements homme-femme. Mais c'est tellement bien interprété que plusieurs personnes nous ont dit: tiens, on ne connaissait pas cette chanson de Gainsbourg... «

La création de ce Cabaret Gainsbourg, neuvième opus de Pupulus Mordicus (L'oiseau vert, Jacques et son maître), a notamment été présenté l'an dernier au Festival international des arts de la marionnette de Saguenay où il a été particulièrement remarqué. Des discussions ont lieu présentement pour faire une tournée en France. Mais rien n'a encore été confirmé.

La famille de Gainsbourg a-t-elle vu le spectacle? «Nous les avons invités, répond Pierre Robitaille. Sa fille Charlotte l'a peut-être vu, on ne sait pas. Son entourage nous a dit qu'elle n'a pas l'habitude de voir des hommages à son père. On nous a dit que si elle venait, nous ne le saurions pas... Quant à Jane Birkin, nous verrons. Elle ne l'a pas vu encore, mais elle pourrait y être cette fois.»

C'est que Jane Birkin sera au Métropolis le 8 décembre. Le garçon de Serge Gainsbourg, Lulu, sera également à Montréal (du 7 au 10 décembre) pour faire la promotion de son premier album, From Gainsbourg to Lulu.

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Cabaret Gainsbourg, à la Cinquième salle de la Place des Arts, du 1er au 10 décembre.