Rideaux ouverts est un album sans fard. Sans cette sophistication pop à laquelle la chanteuse nous a habitués. Nous ne sommes ni dans les archives de Boris Vian, ni dans l'exploration jazzistique, ni dans les collaborations avec des cracks de réputation internationale. Nous sommes aux sources de Diane Tell. On ouvre les rideaux, on aperçoit Val-d'Or où elle est née et y a grandi jusqu'à l'adolescence.

«En retournant en Abitibi, confie-t-elle, j'ai été bouleversée. Ça fait 28 ans que je vis en France, je ne m'étais pas rendue à Val-d'Or depuis 17 ans.»

Diane Tell, il faut le rappeler, a quitté l'Abitibi pour aller vivre à Montréal lorsque ses parents se sont séparés. Elle y est rarement retournée depuis, son père ayant fondé une seconde famille là-bas. Malgré cette cassure importante dans son existence de jeune fille, les souvenirs du bled natal étaient assez chers pour qu'elle accepte de participer aux événements du 75e anniversaire - en 2010. Le spectacle commémoratif y avait accueilli des musiciens de la ville et de la région: La Chicane, Samian, Raoul Duguay, Dany Bédar, Dany Aubé, pour ne nommer que ceux-là. Le tout fut mis en scène par un certain Serge Fortin, auteur-compositeur-interprète transplanté à Montréal et qui gagne aussi sa vie en tant que prof d'histoire.

Ce retour aux sources, inutile de l'ajouter, a déclenché quelque chose chez Diane Tell:

«J'avais alors l'idée de faire un album avec des musiciens québécois. Serge Fortin fut le premier à répondre à l'appel. Nous partageons le même nom de famille (je suis une Fortin) et... ce garçon a été mis au monde par mon père!» s'exclame l'interviewée, arborant ce sourire craquant qu'on lui connaît.

«Cet album est peut-être celui que je n'ai pas fait en sortant de mon conservatoire d'Abitibi, sous la direction de monsieur D'Avignon et de monsieur Rebello, conservatoire qu'on avait aménagé sous les bureaux du poste de police. Somme toute, cette motivation d'avoir travaillé avec des créateurs de là-bas était assez personnelle.»

Puis elle est rentrée à Biarritz. Diane Tell et Serge Fortin ont commencé par la confection d'une chanson, elle a fait la musique, il a fait le texte.

«À vrai dire, confie-t-elle, je ne pensais pas faire cet album au départ, mais nous nous sommes sentis emportés par ce mouvement de travail à deux. Nous avons fait des chansons de chaque côté de l'océan. J'enregistrais des mélodies dans la cuisine je les balançais sur l'internet, il me faisait parvenir des mots. Pendant deux ou trois mois, nous avons échangé ces informations et nous avons finalement convenu de faire un album à deux. Ainsi, j'ai surtout fait les musiques il a surtout fait les textes, mais il y a des exceptions. Par ailleurs, Serge a senti le besoin de partager son mandat et m'a présenté deux collaborateurs. Benoit Sarasin, compositeur et pianiste montréalais, a créé deux musiques. Alain Dessureault, poète de Val-d'Or qui a écrit deux textes. Au 75e de Val-d'Or, il avait présenté un poème sur l'Abitibi devant 15 000 personnes; nous étions tous en larmes!»

Rideaux ouverts n'est pas un album aussi stylisé, convient Diane Tell, très à l'aise avec ce choix qu'elle justifie sans se faire prier:

«Mon album Popeline, par exemple, a été créé au cours d'une longue période, de grands musiciens y ont participé. Alors que celui-ci a été fait à Montréal à Studio Planète avec de jeunes musiciens québécois peu connus sauf peut-être Dany Bédar, un gars de l'Abitibi qui joue bien de la guitare. Je ne connaissais pas ces musiciens, j'ai préféré garder ça simple. Donc, guitare, piano, Hammond B3, batterie, basse.»

Et pourquoi le titre de cet album? Rendons-nous à la septième chanson. On lorgne alors une fenêtre dont les rideaux s'ouvrent. On y voit une femme, création poétique de Diane Tell et de ses collaborateurs:

«Du début à la fin, explique la principale intéressée, cet album ne parle que d'amour. C'est revendiqué! Nous avons créé le personnage de cette femme qui se trouve dans une relation amoureuse, je dirais mature. Or, cette relation partira à vaux l'eau pour finalement s'éteindre. Un jour, elle ouvrira ses rideaux. On lui chatouillera les papilles, elle rencontrera quelqu'un, revivra l'amour vacarme pour atteindre de nouveau la maturité amoureuse. L'album se termine avec Je sais bien qu'un jour, une belle chanson de femme que j'ai encore du mal à interpréter jusqu'au bout. À Val-d'Or, lorsque je l'ai entonnée l'autre jour à l'occasion du lancement, j'ai vu des kleenex sortir des sacs à main.»