Résidant de Tripoli, Abdel Karim Shaar est un grand chanteur dont le frère, Malek Shaar, est l'un des importants chefs religieux (muftis) de l'Islam libanais. Il joue un rôle central dans le projet Charabia, spectacle de clôture du Festival du monde arabe (FMA), dimanche.

Le terme «charabia» renvoie aux enchaînements de quiproquos que suscite le «téléphone arabe», mais «dans le monde chaotique actuel, nous préférons démontrer que l'harmonie entre humains peut d'abord se concrétiser par la rencontre des artistes», explique Joseph Nakhle, directeur artistique du FMA et du spectacle Charabia.

«Le projet Charabia, résume à son tour Abdel Karim Shaar, est une fusion entre chant soufi, jazz, flamenco, rock et hip-hop, sans compter des éléments de danse contemporaine. J'essaie de m'y intégrer tout en subtilité, sans coupures marquées. Ce n'est pas mon premier projet de fusion, d'ailleurs. À Byblos, j'ai déjà travaillé à la création de musique tzigane roumaine et de musique arabe. Avec le groupe rock libanais The Kordz, j'ai aussi collaboré à un projet de fusion.»

Compositrice et leader de l'ensemble québécois OktoEcho, Katia Makdissi-Warren est la directrice musicale de Charabia. À sa musique, elle intègre les chants soufis que maîtrise Abdel Karim Shaar, mais aussi les mots de The Kordz et 4Say, rapper montréalais d'origine libanaise. Le volet danse de Charabia est assuré par la chorégraphe française Kadia Faraux, d'origine algérienne.

Abdel Karim Shaar se montre très heureux de se produire à Montréal: «J'aime chanter en Occident, car il m'importe de répandre une autre représentation de la culture arabe. Il faut désamorcer les préjugés sur notre soi-disant traditionalisme à outrance. Vous savez, ce n'est pas d'hier que la musique contemporaine de tradition européenne, le jazz ou l'expression rock sont connus au Moyen-Orient. Aujourd'hui, la musique arabe a sa part de modernité.»

Ces paroles sont pourtant celles d'un chanteur élevé dans les mosquées, dont le chant a été façonné par celui des imams.

«Mon entraînement vocal est intimement lié à ce que j'ai appris des imams à la mosquée alors que j'étais tout jeune. La musique fut pour moi un cadeau de Dieu et mon environnement a été très propice au perfectionnement de mon chant. Il faut dire que Zakaryya Ahmed, Sayed Darwish, Umm Kulthum ou Sabah Sakhry, chanteurs très célèbres du monde arabe, ont fondé leur art sur le tajwid, l'art de lire et de chanter le Coran. C'est d'ailleurs pour moi une expression plus culturelle qu'une expression fondée sur la croyance religieuse, explique-t-il. J'aime la musique en général. La musique est mon langage.»

Charabia, dimanche, 20h, au Théâtre Maisonneuve. Infos: festivalarabe.com