Le premier power trio du genre conjugue tradition et modernité. Dans le respect total de l'esprit des sources...

«Je me la mets en bouche, je la groove à ma façon, je la chante comme si c'était moi qui l'avais composée...»

Quand il parle de musique traditionnelle, Nicolas Pellerin ne s'exprime pas comme un ethno-musicologue. Non pas par ignorance ou mépris de la science: le jeune trentenaire a laissé les mathématiques pures pour étudier la musique au cégep de Lanaudière à Joliette, haut lieu de la tradition musicale canadienne-française et québécoise.

Tombé dedans, comme son frère Fred, quand il était petit, Nicolas Pellerin parle du «trad» en praticien, lui qui est à la fois compositeur et interprète, instrumentiste et chanteur, arrangeur et «tapeux de pied». Un praticien éclairé donc, en même temps que le leader allumé d'un trio fort occupé: Nicolas Pellerin et les Grands Hurleurs - Simon Lepage et Simon Marion - ont donné plus de 200 spectacles depuis la sortie de ce CD éponyme qui allait leur apporter en 2010 le Félix de l'album de l'année - Traditionnel.

Les revoilà avec Petit grain d'or, «petite galette» qu'ils sont venus lancer mardi à Montréal, dans un Verre Bouteille vibrant: si, il y a 20 ans, la Bottine souriante s'est servie de toute la puissance du big band pour ranimer la musique traditionnelle d'ici, les Grands Hurleurs apparaissent aujourd'hui comme le premier power trio du genre au Québec.

«Ça arrache! Y'a rien de mou dans notre musique: on cogne dans les dents!», nous avait bien dit Nicolas Pellerin la veille au Rond Coin, resto-bar spectacles installé dans une yourte mongole à Saint-Élie-de-Caxton. «Il ne s'agit pas de moderniser pour moderniser», explique Pellerin qui ne prononce jamais le mot folklore. «Prendre une chanson traditionnelle et ajouter de la basse avec des congas, c'est facile...»

Rien de cette facilité dans Petit grain d'or où se côtoient des couplets traditionnels chantés sur des musiques «adaptées» - Trégate (à écouter sur www.nicolaspellerin.com), Belle Estelle, Cabaretier, d'origine bretonne -, et des musiques originales composées par l'un ou l'autre des trois comparses, traditionnelles dans leur structure ou leur esprit - connaissez-vous le trash trad? Viennent en appui différents choeurs, un quatuor à cordes et le piano puissamment rythmé de Martin Lizotte, celui de Loco Locass et de Papa Groove.

«C'est sûr, explique encore Pellerin, que des chansons vieilles de deux ou trois cents ans qui se sont retransmises par la tradition orale changent continuellement, tant dans leurs paroles que leur musique. Certains essayent de les rendre comme elles se chantaient dans le temps; nous, on se les approprie totalement en essayant de les garder accessibles tout en respectant la source. Il faut que toute cette démarche ait un sens...»

Ce sens doit beaucoup au talent du bassiste Simon Lepage et du guitariste Simon Marion qui ont tous deux une formation en jazz. «Même si je ne me considère pas comme un musicien de jazz», nous dira Marion, un Lanaudois de Saint-Côme, «j'en écoute beaucoup et j'essaye de trouver des structures ou des passes qui pourraient se transférer à notre musique.» Simon Lepage, qui habite Fossambault, a lui aussi joué dans plein de formations mais pour l'heure, il concentre sa basse-marteau sur les Grands Hurleurs: «Chaque jour, je travaille à trouver des choses pour faire avancer le band...»

Le faire avancer dans le grand champ des musiques du monde comme Simon Lepage a fait avec De fil en chanson, un texte de Fred Pellerin qu'il a mis sur un afro-beat pour basse, violon et mandoline: «Je me suis fait une belle chanson/Pour la chanter dans mon village...»

À Saint-Élie et à Amqui ou à Francfort et à Barcelone où Nicolas Pellerin et les Grands Hurleurs se produisent demain dans le cadre du Festival international du court métrage. «La demande internationale est forte pour le trad québécois, rappelle Nicolas Pellerin. Je pense que c'est à cause du côté rassembleur de cette musique de fête. Il y a aussi le fait que les gens n'ont jamais vu un gars qui chante, qui joue du violon et qui tape du pied en même temps. Ils pensent que c'est le diable!»

Le diable avec ses petits grains d'or dans les dents...

TRAD

NICOLAS PELLERIN ET LES GRANDS HURLEURS

PETIT GRAIN D'OR

TEMPÊTE