Inaugurée par un concert «sur invitation» le 28 septembre, la nouvelle salle Bourgie du Musée des beaux-arts s'ouvrait mardi soir au public. Et le public est venu nombreux - les 444 places étaient toutes vendues - pour ce premier de huit «concerts inauguraux» au menu variant de Natalie Choquette à Anton Kuerti.

La parole allait d'abord à la Camerata Orford, orchestre de chambre créé l'an dernier - au Centre d'arts Orford, même si on ne le précise pas -- par Jean-François Rivest, qui le dirige, et le violoniste Alexandre da Costa, qui en est l'un des solistes.

Rivest reprenait l'essentiel du programme présenté à Orford le 15 juillet dernier et y ajoutait la pièce commandée au compositeur américain plus que centenaire Elliott Carter pour l'inauguration du 28 septembre. Cette fois, j'écoutais le Carter au balcon, où l'équilibre des instruments semblait meilleur. Mais même à une minute de moins (sept minutes cette fois, au lieu de huit), la pièce demeure profondément impénétrable. Une seule réaction vient à l'esprit : «Qu'est-ce qu'il peut bien vouloir dire ?...»

Aux antipodes de cet hermétisme statique et prétentieux, l'amusant Concerto grosso d'Airat Ichmouratov arrive comme une bouffée d'air frais. Natif de Russie, M. Ichmouratov vit maintenant ici. Clarinettiste de l'Ensemble Kleztory, compositeur et chef d'orchestre, il est, à la clarinette, l'un des cinq solistes de cette composition en trois mouvements totalisant 23 minutes et mêlant habilement toutes sortes d'influences : musique klezmer et musique de film, Prokofiev et Khatchaturian. Le mouvement lent est particulièrement réussi, avec ses gros effets de contrebasse et de timbales.

Comme Rudolf Barchaï et quelques autres, Rivest semble s'être investi dans une mission : orchestrer la musique de chambre. C'est une initiative qui produit des résultats fort variables. Transposé à une dizaine de cordistes, le célèbre Andante cantabile du Quatuor op. 11 de Tchaïkovsky devient un agréable morceau pour petit orchestre à cordes.

Le 15e et dernier Quatuor de Chostakovitch, avec ses 40 minutes d'Adagios qui s'enchaînent, constitue une expérience troublante entre les mains d'un ensemble comme le Borodine. On a revécu l'expérience encore tout récemment, à l'ouverture de l'autre salle. L'orchestration de Rivest ajoute à l'oeuvre une sorte de pensanteur sonore qui n'en magnifie pas le contenu : Chostakovitch avait tout dit avec quatre archets. En fait, les passages les plus expressifs restent encore ceux qui collent à l'original, c'est-à-dire où un unique instrument se fait entendre. On l'a tout particulièrement remarqué lorsque le jeune et génial violoncelliste Stéphane Tétreault était seul, ou presque seul, à occuper l'espace.

CAMERATA ORFORD. Dir. : Jean-François Rivest. Mardi soir, salle Bourgie du Musée des beaux-arts.

Programme :

Double Trio (2011) - Carter

Andante cantabile, 2e mouvement du Quatuor à cordes no 1, en ré majeur, op. 11 (1871) - Tchaïkovsky (transcription : Rivest)

Concerto grosso, op. 28 (2011) - Ichmouratov

Quatuor à cordes no 15, en mi bémol mineur, op. 144 (1974) - Chostakovitch (transcription : Rivest)