Ce qu'ont mis au point la chanteuse Christine Duncan et le batteur Jean Martin semble inédit: accompagné par un ensemble d'instrumentistes, un ensemble vocal improvise en temps réel: The Element Choir. Plus concrètement, des dizaines de choristes doivent répondre à une variété de consignes dont l'objet est de crééer collectivement, ici et maintenant.

Vraiment inédit?

«Cela nous semble neuf, en tout cas», répond la Torontoise Christine Duncan, chef de choeur et inititatrice de The Element Choir Project aux côtés de son compagnon et collègue Jean Martin.

«Lorsque nous avons envisagé développer cette approche, j'ai fait mes recherches. J'ai étudié le système de direction d'orchestre de l'Américain Butch Morris - improvisation en direct pour big band. J'ai aussi étudié le projet du chanteur Phil Minton, le Feral Choir qui consiste en un dialogue appel/réponse entre un chanteur soliste et un choeur. J'ai également étudié la direction d'orchestre du compositeur Anthony Braxton. Enfin, j'ai observé de près d'autres systèmes de consignes orchestrales données en temps réel comme Canot-Camping de Jean Derome, Cobra de John Zorn ou le «sound painting» de Sarah Weaver. Notre idée consiste donc à développer un vocabulaire approprié pour un choeur.»

En quoi consiste le vocabulaire de The Element Choir ?

«Quelques de pages de consignes, résume Christine Duncan. D'un signe de la main, je propulse un environnement sonore. Certains sont très directs, un signal peut induire l'usage d'habiletés précises. Un son  maintenu en suspens, par exemple. D'autres consignes peuvent être plus conceptuelles et moins précises: construites autour d'un thème, elles relèvent alors de l'intelligence collective.»

On se doute bien que le caractère expérimental de cette approche exclut la tournée de The Element Choir, un gros animal peu rentable et difficile à financer. Comment alors faire évoluer le concept hors de Toronto où vivent Christine Duncan et Jean Martin?

«À Toronto, The Element Choir dispose d'une liste d'environ 200 noms sur lesquels nous pouvons compter. Pour chaque concert, donc, je fais appel à cette communauté et j'obtiens généralement les services d'un minimum de 35 personnes et d'un maximum de 60. Toutefois, lorsque nous sommes sur la route, nous n'invitons que nos musiciens et quelques choristes: Jean à la batterie, le violoniste Jesse Zubot, l'organiste Eric Robertson, le trompettiste Jim Lewis. Cette semaine, nous travaillerons aussi avec le guitariste Bernard Falaise - avec qui nous jouons régulièrement dans le groupe Barnyard Drama.

«Avec ces musiciens et quatre chanteurs torontois (qui deviennent des chefs de section), nous débarquons à Montréal et faisons répéter un choeur réuni exceptionnellement pour l'occasion. Pour l'Off Festival de jazz, deux sessions de trois heures seront nécessaires à la préparation du concert de mercredi.»

Autre caractéristique du choeur: sa composition partielle de chanteurs autodidactes. Pourquoi donc, Christine Duncan?

«Notre objectif est de produire des sons, nous n'interprétons pas des partitions chorales. Dans cette optique, nous exploitons les textures, le murmure, les cris tout autant que les mélodies harmonisées. Ainsi, des artistes de toutes disciplines se retrouvent parmi nous: poètes, acteurs, écrivains, musiciens. Je dois alors m'adapter rapidement à chaque contexte: l'auditoire et les capacités d'un choeur.»

Jean Martin, batteur de premier plan et parmi les plus éminents du jazz contemporain au Canada (on l'a encore vu cette semaine aux côtés de l'artiste inuit Tanya Tagaq), corrobore: «Avec la musique improvisée que génèrent les choristes et les musiciens, des orchestrations et mêmes des harmonies surgissent comme par magie. Il est intéressant de constater que cette magie s'opère avec une foule de participants comme cela peut se produire dans le cadre d'un petit ensemble instrumental. Vraiment excitant!»

Dans le cadre de l'Off Festival de jazz de Montréal, The Element Choir Project se produit ce mercredi, 20h , à l'église Saint-Viateur d'Outremont (angle Laurier et Bloomfield).