Sur son quatrième album, My Wilderness, Piers Faccini mêle avec bonheur des musiques qui viennent de partout pour en faire un tout qui coule naturellement. Conversation avec un artiste dont on commence à peine à découvrir l'immense talent.

Piers Faccini est en mode promotion. Il vient à peine de rentrer de Paris et Bruxelles que déjà les États-Unis l'attendent. Plus que jamais, cet artiste singulier né en Angleterre et qui habite dans la région des Cévennes avec sa petite famille est prêt à répandre la bonne nouvelle: si son troisième album Two Grains of Sand a été choisi album de l'année par les auditeurs de France Inter, le tout nouveau My Wilderness pourrait lui apporter la reconnaissance à l'échelle mondiale.

«Pendant une dizaine d'années, jusqu'à 31 ou 32 ans, je gagnais quelques livres en cash dans les concerts, mais mes chansons ne me rapportaient rien, dit-il au téléphone, à peine débarqué du train qui le ramène de Paris. Je vivais des musiques instrumentales que je faisais pour des télévisions anglaises et aussi de ma peinture. Je trouvais que j'avais un truc à offrir dans mes chansons, mais ça ne passait pas. Donc même si aujourd'hui, je peux tourner et jouer mes chansons en concert, je ne tiens rien pour acquis. Je suis totalement passionné par ce que je fais et je travaille comme un dingue, mais je me trouve chanceux.»

Faccini s'est toujours situé au point de rencontre de trois sources musicales: le folk anglais, le blues du sud des États-Unis et la musique de l'Afrique de l'Ouest, notamment du Mali. Sur la pochette de My Wilderness, il a dessiné son visage regardant à l'horizon sur fond de collage de cartes géographiques qui rappellent ce triangle d'influences. «Je me suis rendu compte que, pour la première fois, il y a une petite touche de musique du sud de l'Italie dans la mélodie de The Beggar & The Thief, ajoute-t-il. Même si on y trouve aussi un côté un petit peu oriental ou presque balkanique, il y a dans la mélodie du refrain quelque chose de très napolitain, de très romantique. Et puis, bien sûr, il y a No Reply dont la rythmique s'apparente un peu à une tarentelle.»

Des surprises

De tels collages, si spontanés soient-ils, cachent parfois maladroitement leurs coutures. Pas avec Piers Faccini dont la musique coule naturellement, élégamment, avec l'appui d'un trio solide de musiciens et de collaborateurs de marque dont l'ami violoncelliste Vincent Ségal et le trompettiste franco-libanais Ibrahim Maalouf. «C'est fait de façon assez naïve, se défend presque Faccini. Ces airs qui me viennent sont un peu comme des chiens de races mélangées. Les albums que j'adore, qui me marquent le plus, sont ceux où, du premier au dernier morceau, on a l'impression d'être dans le même monde même s'il y a des ambiances très différentes. Même si ce monde est plein de surprises.»

Des surprises comme dans That Cry, un blues qui se termine par une danse libératrice. «Il y a une logique dans ce que je raconte et dans l'émotion de la chanson, explique Faccini. Sur trois ou quatre chansons, j'ai vraiment étiré l'élastique au lieu d'opter pour une approche couplet-refrain, et j'ai abordé l'écriture et l'arrangement d'une façon presque théâtrale si le thème et le texte me le permettaient.»

Une oreille attentive reconnaîtra peut-être la voix du Montréalais Patrick Watson mêlée à celle de Faccini dès la toute première chanson, No Reply. Le même Watson qui est venu saluer Faccini lors de son concert à l'Astral l'an dernier, le temps de chanter avec lui une chanson de Nick Drake: «C'est une sorte de petite tradition dans mes albums: j'adore demander à des gens que j'aime beaucoup musicalement de faire un petit truc, comme Ben Harper sur le premier morceau de mon deuxième album, mais tu ne les remarques pas sauf si tu lis le livret. Parce qu'ils aiment la musique, ils sont contents de faire partie du truc. Je trouve ça assez élégant.»

Piers Faccini tourne avec le batteur italien Simone Prattico et le multi-instrumentiste néerlandais Kieran Smith. Ils adaptent à trois les chansons de My Wilderness, ce qui n'est pas toujours simple, reconnaît Faccini: «Celle qui me cause le plus de difficultés, c'est Dreamer parce que la trompette d'Ibrahim y est tellement importante et que j'y utilise beaucoup de voix à l'unisson comme dans la musique africaine. Il faut juste que je travaille un petit peu là-dessus, mais je suis sûr que je vais trouver.»

Avec en poche un nouveau contrat avec le label américain Six Degrees, Piers Faccini fait présentement des premières parties aux États-Unis avant d'y retourner dans quelques mois en tête d'affiche. Il espère repasser par Montréal d'ici la fin de 2011 ou au début de la nouvelle année.

C'est la grâce qu'on se souhaite.

PIERS FACCINI

MY WILDERNESS

TÔT OU TARD/SIX DEGREES

EN MAGASIN MARDI