Le métier de DJ a bien changé depuis 15 ans. Si, aujourd'hui, tout le monde peut s'improviser DJ en raison des logiciels qui mixent automatiquement les chansons, il reste que les bons DJ font encore vibrer les pistes de danse de Montréal. Découvrez cette réalité à travers les portraits de DJ Djoolz, DJ Yo-C, DJ Mini, DJ Lexis, DJ Abeille et Vincent Aubry, DJ du Canadien, qui sont derrière les platines des bars de Montréal, en plus d'animer des événements et des grands festivals.

DJ Abeille: dans les évènements mondains et médiatiques

L'été dernier, elle a été DJ pour les 5 à 7 des Apéros Bordeaux et en première partie de Sean Paul, tout comme elle le sera ce soir Bal du Musée d'art contemporain. Vous pouvez aussi danser sur ses choix musicaux au Vauvert ou au Plateau Lounge de l'hôtel W.

Ancienne VJ à Musique Plus, Abeille Gélinas souligne qu'il y a aussi une part d'«animation» quand on est DJ, métier qu'elle a appris en s'enfermant dans son appartement pendant un mois avec de l'équipement loué chez Moog Audio.

Quatre ans plus tard, elle ne regrette pas l'époque où elle est allée en Californie pour devenir comédienne. «J'ai vraiment trouvé mon truc en étant DJ, même si j'en ai encore beaucoup à apprendre», dit Abeille Gélinas, qui a eu sa première chance au Santos, et qui fait aujourd'hui danser les foules dans beaucoup d'événements mondains et médiatiques, au point d'avoir besoin d'une agente qui l'assiste dans sa gestion du temps.

Quand elle est engagée comme responsable d'une piste de danse, la rouquine aux grands yeux bleus ne fait pas que mettre de la musique dans son coin, elle arrive avec son énergie et sa facilité à aller vers les gens. «Il y a des DJ très techniques. Mais il y a une autre école de pensée. Moi, I'll set up a good mood!»

Par les temps qui courent, DJ Abeille ne fait pas qu'intéresser les organisateurs d'événements. Elle discute également avec des compagnies de disques. «Mes affaires prennent un autre élan», explique-t-elle.

Avec son «acolyte musical» Julien Turmel, elle travaille sur ses propres créations. Une première chanson est même prête, intitulée Into You. Abeille y chante, mais elle ne veut pas en faire une habitude. «Je veux créer mon propre son et avoir des collaborateurs.»

Si la DJ dit avoir un «background hip-hop», elle aime aujourd'hui entremêler l'électro-dance et le dancehall jamaïcain, «un peu à la Major Lazer».

Gardez donc les oreilles ouvertes, vous pourriez entendre Into You très bientôt....

Son bar préféré à Montréal:

«les bars/clubs d'hôtels chic qui deviennent... moins chic vers les petites heures du matin!»

Son bar préféré dans le monde: «J'adore la scène londonienne en général.».

Cinq chansons à télécharger:

Will Do (XXXChange Dancehall Mix) , TV On The Radio

Superstar, Aeroplane

Down Under, Men at work

In The Dark (Hype Jones 2012 Remix), Dev

Teenage Bad Girl feat Rye Rye , X Girl

-Émilie Cöté

DJ Mini: le bon vieux temps du quartier gai

Pendant sept ans, elle a été la DJ vedette du bar Le Parking, dans le quartier gai. Mais c'est au bar le Blue Dog que tout a commencé pour elle, à l'âge de 18 ans. «Je travaillais derrière le bar. Avant que les DJ arrivent, je mettais ma musique, raconte Évelyne Drouin. La propriétaire a vu que j'aimais ça et m'a offert d'utiliser l'équipement du bar. La table tournante, le mixeur... ça peut valoir entre 2000 et 3000$.»

Ainsi est née DJ Mini, qui est devenue l'hôte des fameuses et défuntes soirées-événements Overdose. Aujourd'hui, à 30 ans, elle n'a plus «sa soirée» dans un bar, mais vous pouvez la voir derrière des platines dans des événements de mode, des musées, des festivals internationaux ou encore au Billy Kun.

La vie de boîte de nuit a fait son temps pour la jeune femme qui a vécu l'âge d'or «edgy» du Village gai. «Le Village n'est plus une plaque tournante pour la musique underground, souligne-t-elle. Ce sont les clubs straight qui passent des trucs plus underground. Entre les années 80 et le début des années 2000, il y avait une magie. C'était l'endroit où les nouveaux styles émergeaient en premier.»

Mais après un temps, «je pense que c'est sain de sortir des bars!», dit DJ Mini, qui travaille sur son deuxième album. «C'est un autre trip avec des beats plus calmes. Ça pourrait être chorégraphié par des danseurs.»

Faire sa musique lui permet de pousser son art. «Dans les clubs, tu t'adaptes à ton public et tu habites l'espace. Mais quand je fais ma musique, je pars du fond de mes tripes. C'est un truc très instinctif, sans la notion de faire plaisir.»

DJ Mini ne manque pas de projets. Elle fera la première partie de Deadmau5 les 30 septembre et 1er octobre, au Métropolis. Le 18 septembre, vous pourrez la voir au Piknic Electronik. «Pour le Festival Transamériques, on fait un mini flash mob avec une partie de la troupe des danseurs qui ont participé au continental XL de Sylvain Émard, explique-t-elle. Je vais y rejouer une partie de la musique que Martin Tétrault et moi avons faite, pour les accompagner.»

Enfin, DJ Mini sortira sous peu un EP avec le label français Space Factory, intitulé Sometimes.

Plus de détails au www.djmini.com.

Son bar préféré à Montréal:

Le Salon officiel

Son bar préféré dans le monde:

Pulp à Paris, Stardust et Cool Ballroom, à Madrid

Cinq chansons à télécharger:

Sometimes, Mini&ascii disko

Jaipurs Elephant, Abstraxion

Jaana, Kaiserdisco

Hey, Komka

Trouble (Jamie Jones remix), Totally Enormous Extinct Dinos

-Émilie Côté

Photo: Marco Campanozzi, La Presse

Évelyne Drouin alias DJ Mini.

DJ Djoolz: à l'écoute du public

Il a été DJ au Jello Bar. Il fait maintenant danser la foule du vendredi d'un autre bar de quartier du Plateau, la Porte Rouge, de même qu'au restaurant L'Appartement, en plus de participer à des événements sporadiques. Son vrai nom: Julien Fournier. Son nom d'artiste: DJ Djoolz. Il fait partie du collectif French Connection avec DJ Twitch et DJ Sagewondah.

Le trio a même sorti un mixtape. Mais quand DJ Djoolz est derrière les platines de la Porte Rouge, c'est avant tout pour faire danser les clients, qui veulent parfois entendre du Rihanna et du Katy Perry. Le mot d'ordre: être polyvalent et bien jauger la foule. « La quantité d'alcool que les gens ont bu a une influence, lance-t-il. Si tu veux que les gens dansent debout sur les banquettes, tu dois faire ce que tu as à faire dans le top 40. Mais quand tu les as, tu peux glisser tes propres choix.»

French Connection a fait des remix de Hit The Road Jack et Drive My Car des Beatles. «Je crois que c'est vers cela que les DJ devraient tendre: de surprendre, de jeter un nouveau regard sur des chansons plus vieilles, mais sans les détruire comme certains DJ ont fait [...] Maintenant que tout le monde a accès à des programmes de mixage et des disques durs remplis de chansons, on doit surprendre les gens, et c'est là qu'on va se différencier des autres.»

Cela dit, un DJ doit s'adapter à la foule devant lui, surtout pour les événements d'entreprise ou les mariages. «Il faut que tu connaisses bien la musique et que tu aies une bonne collection. J'ai vu des gars ne mettre que du house dans des mariages, explique-t-il. Quand j'ai commencé, changer de style est ce que je trouvais difficile [...] Il faut être polyvalent, mais d'avoir tes propres productions te permet de sortir du lot.»

Pour écouter les mix de French Connection, allez sur Soundclound, sorte de «MySpace» pour les DJ. https://soundcloud.com/frenchconnectiondjs

Son bar préféré à Montréal:

La soirée hip-hop du jeudi au W.

Son bar préféré au monde:

Sala Razzmatazz, à Barcelone.

Cinq chansons à télécharger:

You Be Killin Em, Fabolous

Ki di mie, Magic System

House of Jealous Lovers, The Rapture

Baby You Can Drive My Car, The Beatles (French Connection djs remix)

Hit the Road Jack, Ray Charles (French Connection djs remix )

-Émilie Côté

Photo: André Pichette, La Presse

Julien Fournier alias DJ Djoolz.

Vincent Aubry: le bonheur, c'est le sport

DJ depuis sa sortie du cégep il y a 20 ans, Vincent Aubry a travaillé dans les bars et les boîtes puis aux matches des Expos avant d'être le DJ actuel du Canadien et des Carabins. Il vit de ses deux passions, le sport et la musique, dans laquelle il a baigné enfant alors que son père était un animateur-vedette de la station de radio CKMF.

Avec les Expos, de 1997 à 2004, les joueurs lui refilaient la musique qu'ils désiraient entendre à leur présence au bâton. Le répertoire musical, pour ces spectateurs de 7 à 77 ans, allait «de Dalida à Tom Jones avec des choses plus actuelles». Les matchs du Canadien, dit-il, ont un côté plus familial: «Un jour de fin de semaine, tu sais que Lady Gaga va bien marcher. Mais les soirs de semaine, c'est AC/DC qui rentre au poste!» Les fans des Carabins sont un peu plus friands de musique émergente, le dada de la radio universitaire CISM: «Une chanson africaine de Magic System ou des trucs français moins commerciaux, ça passe très bien.» Mais zéro «fuck, nigger, shit ou bitch» pour les deux clientèles sportives: «Je scrute les disques à la loupe.»

Le DJ d'événements sportifs doit être précis, rapide et suivre l'action. «Et surtout ne pas oublier que les gens paient pour voir la game. Au Canadien, je suis un acteur de soutien. Si les gens commencent à chanter Olé Olé, il se peut que je ne fasse pas jouer de musique du tout.»

Vincent Aubry est également DJ et gérant du Diable Vert, rue Saint-Denis, au nord de l'avenue du Mont-Royal, où la clientèle est majoritairement étudiante: «C'est incroyable le nombre de clubs qui ont poussé sur le Plateau, et tout le monde a pris la même couleur électro. C'est plus difficile de faire jouer du français en ce moment. Mais ce sont des cycles. En 20 ans, j'ai vu le disco revivre trois fois.»

Son rêve? Travailler comme DJ pour une équipe de la Ligue nationale de football. «C'est la prochaine étape.»

Son bar préféré à Montréal: Le Diable Vert, évidemment. Sinon, la Drinkerie Ste-Cunégonde, dans la Petite Bourgogne (2661, rue Notre-Dame Ouest): un petit pub irlandais avec bières tripantes et vins d'importation privée qui fait jouer du indie rock qu'on entend peu ailleurs.

Son bar préféré dans le monde: J'adorais deux boîtes de New York qui ont fermé leurs portes: le Nails et le Club USA où on entendait des mash-ups (mélange de deux chansons) bien avant que ça soit la mode. À New York, tout change tellement vite et d'autres boîtes ont pris la relève.

Cinq chansons à télécharger:

Sexy and I Know It de LMFAO

Pause de Pitbull

Levels d'Avicii

Coeur de cuir de Damien

L'oeuvre complète de The Black Keys

-Alain de Repentigny

Photo: André Pichette, La Presse

Le DJ du Canadien Vincent Aubry.

DJ Lexis: DJ, une vocation

Gestionnaire du site Music Is My Sanctuary (musicismysanctuary. com) depuis plus de quatre ans et organisateur de soirées, Alexis Charpentier est un DJ au sens noble du terme: un filtre à musique, une courroie de transmission, un phare dans l'océan de nouveaux sons.

Avec les producteurs Lookout, Neon et Highfood, Lexis fait venir à longueur d'année les DJ les plus progressifs de la scène. Les représentants de la grande famille musicale bass music trouvent un public à Montréal, grâce à leurs bookings. «Je me dis que si on n'invitait pas ces artistes-là, personne ne le ferait «.

Ses lieux de prédilection? Le Club Lambi et le Belmont (qui vit une véritable renaissance depuis trois ans), sur le boulevard Saint-Laurent, et le CFC, rue Saint-Hubert. Son public? «On pourrait dire qu'il est un peu hipster, mais pas au sens vestimentaire. Ce sont des curieux de musique. Montréal est une ville idéale pour ce genre d'événements. Même si nos clubs ne sont pas si beaux, côté décor, les danseurs sont intéressés.»

Lexis a fait ses premières armes de DJ au tournant du siècle, embrassant le 2-step et le garage anglais, en vogue à l'époque. «J'aurais bien joué plus de styles musicaux, mais dans le temps, on achetait du vinyle. C'était cher, il fallait choisir», dit celui qui, comme nombre de ses collègues, a travaillé au disquaire spécialisé InBeat.

« Aujourd'hui, ce serait facile de dire que les jeunes DJ ont tout cuit dans le bec. La musique est partout sur le web, facilement accessible pour moins cher qu'à l'époque, et n'importe qui, avec le logiciel Serato dans son ordinateur, peut s'improviser DJ.»

«Pour moi, mixer, c'est la finalité du processus ; avant de se retrouver derrière des tables tournantes, il faut écouter la musique, chercher, choisir les chansons. Ça exige beaucoup de temps, c'est une passion, presque une obsession. Je suis DJ parce que j'ai envie de faire connaître aux autres la musique qui me fait tripper...»

Son bar préféré à Montréal: Les soirées mensuelles The Goods à la Sala Rossa, présentées par Scott C et Andy Williams.

Son bar préféré dans le monde: Plastic People, à Londres

Cinq chansons à télécharger:

Vire de Bow! d'Alaclair Ensemble

Keep On Loving Me d'Onra

Summertearz de Little Dragon

Trouble In The Streets de Zed Bias & Mark Pritchard

No Good d'Ifan Daffyd

-Philippe Renaud

Photo: Robert Skinner, La Presse

Alexis Charpentier alias DJ Lexis.

DJ Yo-C: du boulevard Saint-Laurent au Vieux-Montréal

Depuis des années, il est derrière ses platines au Buonanotte, boulevard Saint-Laurent, ou au Santos, dans le Vieux-Montréal. Mais Yo-C est DJ à l'international, que ce soit avec son commanditaire Diesel, à l'occasion de défilés de mode ou des fêtes privées des Leonardo DiCaprio, Usher, Bruce Willis et Rachid Badouri.

Son style? «Je peux mettre n'importe quoi. Je suis un amoureux de la musique et je veux que les gens dansent.» Nous l'avons joint au téléphone mardi dernier, quelques heures avant qu'il s'envole à New York pour le défilé de Mackage présenté durant la Semaine de la mode. Il reviendra demain, avant de repartir aussitôt pour Toronto où il sera DJ à la fête privée de Lupe Fiasco dans le cadre du Festival du film de Toronto.

Jet set, c'est le moins qu'on puisse dire. «Mon attachée de presse est à Los Angeles et mon agent est à Ottawa», explique celui qui s'est initié aux platines à l'âge de 13 ans.

Depuis la fin de ses études en gestion à l'Université Concordia, en 2005, DJ Yo-C n'a pas cessé de travailler. «Je voyage énormément, je fais beaucoup de choses avec des célébrités, je ne peux pas me plaindre... Je gagne ma vie avec ma passion», indique le Montréalais de 32 ans. Depuis 10 ans, la réalité des DJ a changé à Montréal. Sans jamais quitter la Main, la scène nocturne a migré vers le Vieux-Montréal. « Avant, ça s'était déplacé de la rue Crescent au boulevard Saint-Laurent. Les gens ont toujours besoin de changement! «

En 2011, tout le monde peut s 'improviser DJ. Un logiciel comme Serato mixe automatiquement les chansons. «Quand j'ai commencé, il n'y avait pas de logiciel. Il y avait juste les vinyles et les CD, explique le DJ. Serato. C'est une bénédiction comme une malédiction. Tout est sur ton ordinateur, donc tu n'as rien à transporter, mais n'importe qui peut être DJ sans nécessairement être bon. «

Conséquence: «Aujourd'hui, il y a beaucoup de DJ sans expérience qui retrouvent rapidement dans le circuit des bars. Ça casse les prix et de vrais DJ ont du mal à trouver un emploi.»

Dj Yo-C vante néanmoins le talent montréalais et celui de son idole, Jazzy Jeff. « J'adore mon job! Je veux juste continuer à faire ça.»

Son bar préféré à Montréal: Le Buonanotte

Son bar préféré dans le monde: 1 Oak, à New York, et Maison Mercer, à Toronto.

Cinq chansons à télécharger:

I Want You Back, Jackson Five

Oh My God, A Tribe Called Quest

Hypnotize, Biggie

Part Time Lover, Stevie Wonder

You Don't Know Me, Armand van Helden

-Émilie Côté

Photo fournie par Martin Banoon

DJ Yo-C