Le répertoire de Chasing Lydie, que certains considèrent comme le plus ambitieux et le plus abouti des projets discographiques de Marie-Jo Thério, naîtra sur scène demain. Et ce, loin des projecteurs métropolitains: le Festival de musique émergente (FME) en Abitibi-Témiscamingue sera le point de départ de sa longue gestation scénique.

Réticente à en causer à un stade si précoce, la chanteuse fait jaillir une pluie de précautions : nouveau groupe d'accompagnement, première mise en bouche du répertoire, première séance d'apprivoisement... Ni le public du FME ni celui de Pop Montréal (le 24 septembre) n'assisteront au spectacle Lydie Lydie Lullabye, prévu en 2012 lorsque les conditions auront été réunies. Tenons-nous-le pour dit mais... il y sera d'abord question de Lydie Lab.

Rappelons que l'arrière-grand-tante de Marie-Jo Thério est l'inspiration première de ce vaste projet. D'origine acadienne comme son arrière-petite-nièce, Lydia Lee fut une artiste de variétés dans la région de Boston. Il y a près d'un siècle, elle fut une pionnière dont le souvenir lointain hante Marie-Jo Thério depuis nombre d'années -d'où le titre Chasing Lydie. Au terme d'une décennie nécessaire à son aboutissement, l'album a été finalement lancé en mars dernier et chaudement applaudi par la critique.

Sa créatrice doit désormais en imaginer la représentation sur scène. Comment s'y prendre au juste?

«Cet enregistrement, fait-elle observer, ne s'est pas développé en studio autour d'un noyau de musiciens; plusieurs ont participé à Chasing Lydie, mais pas d'une manière constante. Ainsi, cet enregistrement a nécessité beaucoup de montage, collage, reconstitution. Franchement, je ne sais pas encore comment cela se traduira sur scène. Ce que j'essaie de faire d'abord en ce sens, c'est un laboratoire .»

Lydie Lab, donc.

Normalement, explique la principale intéressée, les chanteurs mènent ce genre d'exercice dans un local de répétition avec des musiciens qu'ils paient. Marie-Jo Thério a plutôt décidé de partager cette expérience avec le public.

«Le processus est le suivant: j'invite des musiciens qui ne se présentent pas avec des conceptions rigides. Nous nous mettons tous en situation d'urgence. Sur le bout des fesses, car le public nous y oblige. Cela dit, nous souhaitons une relation de confiance avec les spectateurs en nous produisant en Abitibi ou à Pop Montréal, un festival où le public anglo ne me connaît pas vraiment.»

Pour le FME, ont été recrutés le violoniste Josh Zubot, le batteur Isaiah Ceccarrelli, le bassiste Frédéric Boudreault, le multi-instrumentiste et chanteur Pilou (Pierre-Philippe Côté). Pas de liste préétablie, pas de chronologie, pas de narration, séquences d'improvisation. L'alignement n'est pas définitif, tient à préciser leur employeure.

«Nous serons là pour nous habituer les uns aux autres. Nous essaierons de créer une relation entre une chanteuse et ses musiciens. On viendra nous y voir préparer le sandwich, choisir les ingrédients.»

Notre interviewée assure qu'elle ne cherchera pas à reproduire la facture de l'album.

«Chasing Lydie est un repère. Dans ce nouveau contexte, la musique de l'album suivra son cours. La mise en scène? On n'y est vraiment pas! Il y a beaucoup de travail à prévoir avant d'en arriver là. Pour ce, j'ai demandé à une copine de m'aider: Brigitte Poupart. Lydie Lydie Lullabye sera un gros spectacle, mais il faut d'abord régler les questions de production à une époque où l'argent se fait si rare pour la culture. Mon projet le plus ambitieux arrive au moment le plus difficile pour le réaliser!»

Qu'à cela ne tienne, Marie-Jo Thério a la ferme intention de parvenir à ses fins.

«La forme ultime de mon travail est la scène, c'en est toujours l'aboutissement. Je voulais faire quelque chose de beau avec cette quête de Lydia Lee. L'imaginaire et l'inconscient y rencontrent le réel. Et ce réel n'est pas tout à fait palpable, car ce que j'en connais contient aussi une part de fiction.»

Beau programme pour un laboratoire... devant public!

Marie-Jo Thério présente Lydie Lab, demain, à 20h, à l'Agora des Arts, Rouyn-Noranda, dans le cadre du Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue.