Les émeutes de Londres auront eu des répercussions même sur l'industrie de la musique britannique. L'incendie qui a ravagé l'entrepôt de Sony Digital Audio Disc Corporation la semaine dernière a ébranlé les labels indépendants. Plus de 165 d'entre eux faisant affaire avec le plus important distributeur indépendant d'Europe, PIAS, ont vu leurs stocks partir en fumée, soit plus de 2,5 millions de CD et plusieurs centaines de milliers de disques vinyles, de DVD et de Blu-rays. Une campagne s'organise pour venir en aide aux labels.

La liste des labels touchés par l'incendie de cet entrepôt de 20 000pi2 se lit comme un «who's who» de la musique indé.

Parmi eux, Beggars Group, qui regroupe les labels Matador, XL et 4AD, estime ses pertes à 750 000 unités; Thrill Jockey a perdu environ 300 000$; Domino Records a notamment perdu tout son stock du nouveau single d'Arctic Monkeys; Ninja Tune, qui a dû retarder la sortie du nouvel album de Toddla T, estime que 100 000 exemplaires d'albums sont disparus. L'industrie cinématographique indépendante britannique, qui faisait aussi affaire avec PIAS, a également été durement touchée.

«Bien que les assureurs envisagent de couvrir la perte de stocks, la réalité est que de nombreux labels ne seront pas compensés ou assurés pour le manque à gagner et pour les investissements nécessaires au remplacement du stock perdu ou dans la promotion investie [pour publiciser les nouvelles parutions]», ont déclaré les administrateurs du distributeur PIAS dans un communiqué, publié avec l'Association of Independent Music (AIM).

Des titres en voie d'extinction

Pour le vénérable label électronique Warp, comme pour beaucoup d'autres maisons de disques touchées, «le plus gros défi sera de remplacer [le] vaste catalogue de parutions s'étendant sur les 21 dernières années». «Nous en remplacerons le plus possible en faisant presser de nouveaux exemplaires et en récupérant autant de stock que possible de l'extérieur du Royaume-Uni. Malheureusement, certaines parutions pourraient ne jamais plus être offertes en format physique», indiquait-on sur le site web du label.

L'industrie s'inquiète surtout du sort des plus petits labels: «Les plus gros labels sont beaucoup mieux équipés pour faire face à la tempête, mais les petits et nouveaux labels sont l'avenir [de notre industrie] et ont besoin du soutien de leurs pairs», a déclaré Martin Mills, patron de Beggars Group, au moment d'annoncer la création d'un fonds d'urgence de 250 000£ (400 000$) pour aider les petits indés. La British Phonographic Industry a emboîté le pas en créant un fonds de 100 000£ (161 500$).

Dès le lendemain de l'incendie, Alison Wenham, présidente de l'AIM, a appelé les fans à acheter des exemplaires en format numérique des disques produits par les indépendants pour les aider financièrement à se sortir du pétrin.

De plus, un site web, LabelLove (cognitivedissonancerecords.com/labellove), et un mot-clic (#labellove) liés à un compte PayPal ont été créés pour aider les sinistrés, pendant que des concerts-bénéfices sont en préparation.

De leur côté, PIAS et Sony DADC travaillent sans relâche à établir un centre de distribution alternatif, histoire de remettre les labels sur les rails et de ne pas trop nuire aux disquaires, victimes collatérales de la soudaine rareté des disques.

«Bien que nous rejetions les nombreuses et écoeurantes inégalités et le mercantilisme immoral de notre pays, il est emblématique de la futilité des émeutes qu'un entrepôt stockant des millions d'exemplaires d'albums originaux, intéressants et moins commerciaux [...] ait été incendié», ont affirmé sur leur site web les administrateurs de Ninja Tune.