Les organisateurs du Festival du monde arabe (FMA) ont annoncé mardi l'annulation du concert du chanteur français d'origine algérienne Cheb Mami qui devait avoir lieu dans le cadre de leur programmation hors saison le 26 novembre à la salle Wilfrid-Pelletier. Une décision qui intervient à la suite d'une controverse médiatique entourant le passé judiciaire du «prince du raï», sorti de prison le 23 mars dernier après avoir été condamné par la justice française à une peine de cinq ans pour «violence volontaire, séquestration et menace».

Cheb Mami aurait en effet organisé en 2005, avec l'aide de ses proches, une tentative d'avortement forcé en Algérie visant son ex-conjointe, une photographe de presse française qui aurait subi des violences après avoir été droguée, dans le but de mettre fin à sa grossesse. Le chanteur a été arrêté en 2006 en France, puis remis en liberté provisoire avant de fuir en Algérie. Il a de nouveau été interpellé à son retour dans l'Hexagone en 2009.

«On ne s'attendait pas à cette réaction. La controverse est d'une telle ampleur, qu'elle risque d'éclipser la programmation du festival en faveur d'un choix artistique qui était un événement hors saison. Au-delà des convictions et des choix éthiques, il y a d'abord et avant tout une partie de l'opinion publique qui est sensible à ce choix et le conteste violemment. Se trouver au milieu d'un tourbillon sans fin éthique n'est pas notre mission, ce qui justifie l'annulation du concert», explique Joseph Nakhlé, directeur général et artistique du festival.

Une controverse rapidement reprise dans les médias électroniques algériens comme Elwatan.com ou Algerie-plus.com, et qui fait écho à celle suscitée par «l'affaire Bertrand Cantat» au printemps dernier, après que le TNM eut annoncé sa participation à une pièce de Wajdi Mouawad. Un débat qui avait mené à l'annulation de la participation du chanteur français, qui avait été condamné à huit ans de prison pour le meurtre, en 2003, de sa compagne Marie Trintignant.

«On voulait avant tout accorder plus de place à la musique populaire arabe. On est un comité de trois personnes et on a pris la décision d'inviter Cheb Mami il y a plus de trois mois. Nous avions discuté de l'aspect éthique. Une de mes collègues l'a dit et je l'approuve, nos choix sont d'abord artistiques. Il y a eu des avis divisés, mais majoritairement, on disait qu'on ne pouvait pas aller au bout de cette logique qui interdit à un artiste qui a payé sa dette. Est-ce une atteinte à la liberté d'expression d'empêcher un artiste de s'exprimer, peu importe son crime? Si Cheb Mami avait écrit un livre, aurait-on empêché sa maison d'édition de le publier? Devant ce débat, on s'est dit que les circonstances n'étaient pas les mêmes que celle de l'affaire Cantat, les conséquences n'ayant pas été de la même gravité. On est convaincu qu'il faut donner une deuxième chance sauf si la loi l'en empêche», conclut Joseph Nakhlé.

Âgé de 43 ans, Cheb Mami est notamment connu en Amérique du Nord pour son duo avec Sting Desert Rose, et a renoué avec la scène en juin dernier dans son pays d'origine alors qu'il a entamé une tournée au Maghreb. Il prépare également un nouvel album prévu pour 2012, dont huit des chansons ont été composées dans sa cellule.

Le Festival du monde arabe a lieu du 30 octobre au 13 novembre.