La nouvelle est partout: Amy Winehouse a été trouvée morte dans son appartement samedi. Les causes du décès n'ont pas encore été rendues publiques, mais très fortes sont les probabilités en ce qui a trait aux causes de cette issue fatale.

La chanteuse est morte, son mythe vient de naître au terme d'une pénible gestation. Gestation largement médiatisée, tweetée, facebookée, bloguée. Dans les avis de décès, la chanteuse figure certes au sommet de la liste. Dans les avis de naissance aussi: mythe 2.0...

Lorsque la tournée de la chanteuse a été suspendue à la suite d'une prestation erratique donnée en juin dernier en Serbie, d'aucuns ont eu le sentiment qu'elle avait épuisé toutes ses chances de revenir à la vie publique. La chute était imminente, comme l'ont rapporté tous les médias dont le Nouvel Obs.

Deux albums excellents, puis la descente en vrille. Ennuis personnels et judiciaires. Mariage tumultueux avec Blake Fielder-Civil, de mai 2007 à juillet 2009. Dépression, toxicomanie, troubles d'alimentation et de respiration. Alcool, cigarette, cannabis, cocaïne, crack, ecstasy et quoi encore? Violence conjugale, comportement bizarre en société, manque de fiabilité professionnelle. Comme on peut le lire sur son profil wiki, l'enchaînement de ses déboires personnels et judiciaires a largement alimenté son mythe.

Je me souviens fort bien de Frank, son premier album traversé par le funk, le hip hop et même le jazz. Je me souviens aussi d'un concert au Club Soda, le 7 juillet 2004, d'une jeune chanteuse qui imposait le respect. Chanteuse soul et jazz au départ, accompagnée par des musiciens plus jazz que R&B. Assez sobre parfois, malgré cette voix métallique et puissante, descendante directe des grandes voix black, cette voix qui sortait d'un petit bout de femme.

La suite est connue. Réalisé par le Britannique Mark Ronson, l'album Back to Black la propulse au rang des superstars.

L'après 2006 sera moins jojo...

> Elle est accusée de violation de droit d'auteur en septembre 2007.

> Elle est arrêtée en Norvège avec son mari pour possession de cannabis en octobre 2007.

> Son mari est arrêté pour entrave à la justice à la suite de l'agression d'un propriétaire de bar.

> Elle est incarcérée une nuit en avril 2008, après avoir giflé quelqu'un.

> Sa réputation est entachée par une vidéo la montrant en train de fumer du crack. Le Crown Prosecution Service anglais abandonne finalement les poursuites vu son incapacité à démontrer que la substance filmée était illégale.

> Le festival Rock en Seine la poursuit pour avoir manqué à ses engagements professionnels.

> Son père et imprésario réclame sa mise sous tutelle en 2008.

> En 2009, elle passe un long moment en cure de repos... qui ne l'a visiblement pas reposée.

Saoule lors d'un spectacle à Belgrade médiatisé à vitesse exponentielle par les téléphones 3G qui l'ont filmée dans un tel état, elle annule sa tournée estivale, et bifurque dans la honte vers son destin funeste.

Une personne talentueuse et psychologiquement fragile accède à la vie publique, puis au statut de superstar, pour ensuite déraper d'aplomb parce qu'incapable de faire face à cette ascension fulgurante. Tout indique qu'Amy Winehouse, morte à 27 ans à l'instar de plusieurs artistes de renom, ne pouvait faire face à cette existence.

Nous n'en sommes certes pas au premier cas d'artiste promise à une brillante carrière et morte prématurément dans des circonstances tragiques. Le cas d'Amy Winehouse demeure néanmoins un cas typique de notre époque: une chanteuse qui acquiert rapidement le statut de mythe et dont le mal de vivre est relayé sur la Toile par les médias sociaux ou institutionnels.

D'une tristesse...

Dans le contexte, n'est-il pas de meilleur ton de se rappeler de cette Amy Winehouse qui vient de joindre le «club des 27», question d'apposer le sceau sur le mythe naissant?