«Historique.» L'adjectif émaille invariablement les conversations sur les concerts que le groupe U2 donnera vendredi et samedi à Montréal. La bande à Bono s'arrête à Montréal avec sa tournée 360°, le plus grand spectacle rock au monde. La Ville a taillé des aménagements sur mesure pour la démesure de ces deux concerts, qui attireront en tout 160 000 spectateurs à l'Hippodrome, du jamais vu.

«On est en train de bâtir la ville de U2.» Ainsi Jacques Aubé, vice-président et directeur général du promoteur evenko, résume-t-il la titanesque commande à laquelle son équipe a répondu pour amener U2 à Montréal. Près de l'Hippodrome, au coin des rues Jean-Talon et Décarie, l'effervescence est déjà palpable, deux jours avant le premier spectacle.

Le toit de la station de métro Namur est coiffé d'une sphère blanche portant l'inscription «U2 Montréal». Non loin de là, l'imposante et désormais célèbre structure d'acier qui surplombe la scène («The Claw») domine l'horizon.

Près des grilles qui ceinturent le terrain, quelques jeunes femmes patientaient, tranquillement installées dans des chaises pliantes, mercredi après-midi. Incroyable mais vrai, les files d'attente pour entrer dans l'enceinte ont déjà commencé.

«Je suis la première!», explique fièrement Anna Wallace, jeune Californienne qui a inscrit le chiffre 1 sur le dos de sa main. Une vingtaine de personnes lui succèdent déjà sur une liste qu'elle gère elle-même pour les deux soirs. L'ordre établi est toujours respecté.

«La communauté U2 est énorme, et les gens savent qu'il faut arriver tôt pour avoir sa place», dit celle qui verra les Irlandais pour la troisième fois ce mois-ci. L'entraide est de mise entre les fans et les agents de sécurité, souligne Anna Wallace. «Dès 7h vendredi matin, 300 personnes attendront devant les grilles. C'est sûr que personne ne laissera quelqu'un dépasser tout le monde. On se connaît, et on sait qui attend depuis combien de temps.»

La ville est U2

Depuis près de trois ans, la Ville de Montréal, la STM, la police et Urgences-santé collaborent étroitement pour encadrer la marée humaine qui s'apprête à envahir un quartier peu habitué à ce genre de manifestation. Le centre Bell ou le Stade olympique accueillent habituellement les concerts à grand déploiement, mais aucun des deux amphithéâtres n'est assez vaste pour contenir les concerts du 360° Tour.

«Là, on est dans une autre échelle, dit Daniel Bissonnette, directeur associé cinéma, festivals et événements à la Ville de Montréal. Un spectacle rock nécessite habituellement 50 camions pour son matériel. Là, on en a 200. Le dispositif scénique est immense et donne une expérience incomparable.»

La STM fournira près de 200 autobus qui circuleront sur des lignes créées pour l'occasion. La police a mis au point un plan de circulation pour les piétons. «Notre plan a été fait pour assurer la sécurité des piétons, et non la circulation automobile. Les automobilistes vont devoir s'armer de patience, et on ne conseille pas aux gens de prendre leur voiture», dit sans détour Sylvain Lemay, inspecteur-chef à la division de la planification opérationnelle du SPVM.

La Ville dépensera environ 1 million de dollars pour la sécurité, le transport et la signalisation. Une somme modeste, croit M. Bissonnette, compte tenu des retombées de 3 à 4 millions que récoltera la Ville. Près de 20 000 personnes viennent de l'extérieur de la province pour chaque concert.

Jacques Aubé voit quant à lui encore plus grand: il estime les retombées à 30 millions de dollars en tout pour la municipalité et les gouvernements provincial et fédéral. «À ce niveau-là, tout le monde travaille ensemble», dit-il.

Près de la station de métro Namur, le restaurant Dunn's, ouvert 24 h sur 24, se prépare à de bonnes affaires. Le sous-sol a été rempli de victuailles, et un camion réfrigéré passera le week-end garé à l'arrière du restaurant. Le personnel des franchises Dunn's de Montréal sera appelé en renfort. «Nous sommes prêts pour le 360° Tour», dit le responsable de cette succursale, Sharif Mohammed. Le week-end promet d'être historique: «Ici, on n'a jamais de touristes. C'est tout un challenge.»

Un pouvoir de guérison

Ce gigantisme n'effraie toutefois pas les plus fidèles admirateurs du groupe, dont certains suivent U2 sur tous les continents depuis le début de leur tournée.

C'est le cas de Jana Videira, du Brésil, qui a vu le groupe aux quatre coins du monde. «Je travaille avec des enfants victimes de la guerre en Afrique, et j'ai parfois besoin d'une pause. C'est facile pour moi de voyager, alors je n'hésite pas. La musique de U2 a sur moi un pouvoir de guérison. Je suis chrétienne, et ses paroles me réconfortent», explique celle qui a commencé à faire la queue devant les grilles de l'Hippodrome trois jours avant l'ouverture des portes.

En trois ans, la vente de billets de la tournée 360° a généré à elle seule des revenus de 700 millions de dollars et a attiré 8 millions de personnes.