L'une des premières vedettes québécoises de la chanson, Alys Robi, a eu droit à sa dernière grande ovation, samedi après-midi, à Québec, au cours de funérailles émouvantes.

Tout le quartier populaire de Saint-Sauveur s'était donné rendez-vous pour rendre hommage à cette fille de la paroisse qui y avait vu le jour en 1923. De son vrai nom Alice Robitaille, elle a rendu l'âme à l'âge de 88 ans au Centre hospitalier Maisonneuve-Rosemont, dans l'Est de Montréal, le 28 mai.

Dans une église au parterre bondé, des proches et des dignitaires ont tour à tour souligné le destin tragique de cette artiste, qui, au zénith de sa carrière, a chuté, frappée par la maladie mentale, avant de se relever et de reconquérir la scène. Elle était une grande interprète de musique latine dans les années 40, la voix de «Tico tico», «Besame Mucho», jusqu'à un accident de voiture et une rupture amoureuse, en 1948, qui ont conduit à son internement, avec électrochocs et lobotomie. Dès lors, elle ne fut plus jamais la même.

En journée, des centaines de personnes ont défilé devant sa dépouille, exposée dans le hall du Capitole, où Mme Robi avait entamé sa carrière. À l'entrée du cercueil dans l'église sous les applaudissements, c'était la cohue: tous ceux qui se pressaient sur le parvis pour voir arriver le cortège imposant essayaient d'entrer.

C'était une «femme forte», une «femme du peuple» au «regard pur», qui «n'était pas un cadeau», et qui «n'a jamais été raisonnable», a-t-on notamment entendu. La cérémonie a été souvent interrompue par de longs applaudissements et ponctuée de ses succès, interprétés par la chanteuse Johanne Blouin et des choristes de la paroisse.

«Cette étoile (était) notre première grande vedette internationale, a souligné dans son éloge funèbre la ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, qui représentait le gouvernement du Québec et qui connaissait personnellement Mme Roby. Elle a chanté dans plus de 27 pays, devant des têtes couronnées. Londres, Paris, Rio, New York, Toronto, Hollywood, et Las Vegas l'ont applaudie.»

En terminant elle lui a souhaité «bon voyage Lady Alys», la voix étreinte par l'émotion. De même, la comédienne Joëlle Morin, qui avait personnifié la chanteuse dans une télésérie et qui s'était liée à elle, a livré en sanglots son témoignage.

«Tu ne t'es jamais plaint des trahisons, des arnaques ni des mauvais traitements, a-t-elle dit. Ton tragique destin fut transcendé par ton feu sacré et ce désir de plaire et de distraire les gens (...). Je t'ai aimée Alys, profondément.»

Son petit-neveu, Martin Latulippe, a rappelé que sa grande tante était une «femme forte». C'est lui qui s'est résigné à la faire admettre à l'hôpital la veille de sa mort. Il n'arrivait pas à croire qu'elle avait été terrassée «par une bactérie», le C. difficile.

Un représentant du Chez Nous des Artistes, Robert Maltais, a aussi pris la parole. Alys Robi avait contribué à fonder cette maison de retraite destinée aux gens de son métier, en plus d'avoir mis sur pied une fondation pour les personnes atteintes de maladie mentale.

«Vous étiez une étoile et la place d'une étoile, c'est au Ciel», a-t-il déclaré avant d'être acclamé.

Un de ses proches, l'ancien journaliste culturel Roger Sylvain, a raconté qu'elle a chanté jusqu'à la toute fin et qu'elle devait encore donner un tour de chant le 8 juin. Selon lui, un «party» l'attendait au Paradis, avec tous ces artistes disparus qu'elle a côtoyés, notamment Olivier Guimond, Rose Ouellette «la Poune» et Claude Blanchard.

À la toute fin de la cérémonie, il a demandé à l'assemblée de lui réserver «une dernière ovation». C'est alors qu'une explosion d'applaudissements, de cris, de bravos et de mercis se sont élevés, dans une clameur assourdissante.

À la sortie du cercueil, les représentants de sa famille ont lâché une volée de colombes dans le ciel devant la foule émue.

La tombe devait ensuite être inhumée au caveau familial du cimetière Notre-Dame-de-Belmont.