Le plus triste avec Alys Robi, ce n'est pas qu'elle soit morte. À la limite, cela l'a libérée de ses souffrances.

Le plus triste, c'est qu'elle soit morte dans l'indifférence. Du grand public, d'abord. Mais de l'industrie, surtout, qui n'a jamais officiellement reconnu sa contribution à la chanson québécoise.

On va dire que je tape sur le même clou. Mais encore une fois, je le déplore: Mme Robi n'a jamais été honorée par l'ADISQ. Pour une pionnière de cet ordre, c'est quasiment indécent.

On l'a souvent répété, mais la dame était la Céline Dion de son époque. Elle a chanté jusqu'en Californie à une époque où les Québécois n'étaient encore que des porteurs d'eau... Elle a connu le succès, la gloire, mais aussi la chute, brutale, et puis l'oubli. Mais contrairement à d'autres, qui ont jeté l'éponge dès les premiers échecs, elle a continué de chanter. Dans les cabarets trash, dans les salles de deuxième division, pour les vieux, les gais, les marginaux. Survivante, envers et contre tout.

Et qu'a fait l'ADISQ pour souligner cette carrière digne d'un film hollywoodien? RIEN.

Je regarde la liste des prix hommages depuis le premier gala en 1979. Il y a des évidences, bien sûr: Félix lui-même (1979), Raymond Lévesque (1980), La Poune (1983), Vigneault (1985), Ginette Reno (1995).

Mais il y a aussi eu des honneurs prématurés. Je pense à Plume Latraverse (2002), Michel Rivard (2004), Michel Bélanger, fondateur des disques Audiogram (2005) ou Patrick Norman (2007).

Je pense aussi à Diane Dufresne (2006), dont une des plus grandes chansons était justement dédiée à Alys Robi (Ma vie en cinémascope). Ironique, non?

Qu'on s'entende. Ces artistes ont du mérite. Mais ils ont commencé leur carrière un demi-siècle après Mme Robi. Dans leur cas, on aurait pu attendre un peu. Les jours d'Alys, en revanche, étaient comptés. Et maintenant, il est trop tard.

Certes, Madame a été honorée par le cinéma. Mais c'est en chantant qu'elle a brillé. La logique aurait voulu que ce soit l'industrie du disque qui la remercie pour services rendus.

Je suggérerais bien à l'ADISQ de se reprendre, même si c'est à titre posthume. Seulement voilà. Depuis 2009, l'Association du disque et du spectacle a cessé de remettre son prix hommage. On trouvait que le gala était trop long, alors c'est une des premières choses qu'on a «scrappées». Belle façon de reconnaître l'apport des générations précédentes, artisans, musiciens, chanteurs et chanteuses sans qui l'industrie ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui.

En ce qui me concerne, c'est avec ce genre de prix, intemporel et symbolique, que l'ADISQ trouvera sa véritable envergure. Faute de quoi, son gala ne sera jamais rien d'autre qu'une vitrine pour la chambre de commerce du disque québécois.

Alors voici. Je suggère que l'organisation collabore avec des historiens de la chanson québécoise - on n'en manque pas - qui ont un peu de profondeur et de perspective. Je suggère qu'on ressuscite le prix hommage. Et je suggère que ce prix porte le nom d'Alys Robi. Ce serait une bonne façon de réparer cet oubli honteux.

Ils ont ouvert la voie. Mais on ne leur a jamais rendu hommage. Et ils sont encore en vie...

Michel Louvain

Première pop star du Québec, dès 1957. Notre star system lui en doit une.

Yvan Dufresne

Il a découvert Louvain, Lautrec, Lalonde, fondé des étiquettes de disques vitales (Jupiter). Un pionnier de notre industrie.

Jean Lapointe

Défricheur, divertisseur, hit-maker, sénateur...

Les Classels

Deux de morts, trois de vivants. On dira ce qu'on voudra, mais ils ont incarné les débuts du vrai rock québécois.

Monique Leyrac

Une de nos plus grandes voix. Allô, quelqu'un?