Le fidelcho, comme le CD 9,99 de Fidelplasma lancé il y a deux ans, est une affaire toute simple en apparence: une rencontre d'amis artistes qui veulent créer quelque chose de neuf en partageant leur plaisir avec un public consentant. Mais le collectif réuni autour de François Taschereau ne fait jamais les choses simplement. Retour sur la petite histoire d'un entrepreneur qui s'offre le trip de sa vie.

«La vie a fait en sorte que j'ai fait un détour», constate François Taschereau. Joli détour, en effet.

Au début des années 80, Taschereau était, comme le comédien Jean Petitclerc, l'un des quatre membres des frères pogo, un groupe musical rigolo de Québec qui s'était fait remarquer au concours L'empire des futures stars. Mais voilà, Taschereau avait un autre intérêt majeur, l'informatique, qui l'a vite entraîné dans une improbable aventure. «Je me suis laissé prendre par le jeu de l'entrepreneuriat», dit-il de son entreprise qui a créé le premier ordinateur québécois (le Félix) et des logiciels de comptabilité et de karaoké qui ont fait le tour du monde. Cette entreprise de 300 employés, il l'a vendue puis rachetée, puis revendue plus récemment après s'être assuré que l'acheteur français continuerait à faire du développement au Québec.

Pendant toutes ces années, le businessman en lui n'avait pas perdu le goût de faire de la musique, commettant même un album de piano solo au début des années 90. Et il avait gardé le contact avec ses copains artistes, dont Petitclerc, l'homme de théâtre Simon Fortin et le duo Michel Lemieux-Victor Pilon qui, dans les années 80, avaient contribué par leur art et leur talent à la visibilité de l'entreprise de Taschereau dans des foires commerciales.

La bande s'est reformée et, avec l'aide d'autres copains dont Champion (Maxime Morin) et Béatrice Bonifassi, a accouché du CD 9,99 en 2009. S'il n'a pas établi de record de ventes, cet album ludique a été encensé par la critique, dont mes collègues Marie-Christine Blais et Nathalie Petrowski, donnant ainsi au collectif une erre d'aller jusqu'à la création du fidelcho en juin 2010 à Québec. Un show présenté une dizaine de fois à guichets fermés dans la petite salle du Théâtre Premier Acte, près du Palais Montcalm, et qui s'installe maintenant à la Cinquième Salle de la Place des Arts du 11 au 14 mai.

iPad et projections

Le fidelcho est tout sauf une plate enfilade de chansons. Rien que d'écouter Taschereau parler de ce spectacle mis en scène par Lemieux et Pilon donne presque le tournis. Ça commence par un photoroman au coeur duquel se trouve Jerome (Jean Petitclerc), «un mec pas chanceux en amour» qui sera le maître de cérémonie de ce cabaret théâtro-médiatico-musical 2.0. Jerome entraînera le public dans son aventure qui passe par les sites de rencontres et les réseaux sociaux. «Comme maître de cérémonie, Jerome utilise son iPad tout le long du show et ça devient un instrument de musique et d'images. Il repique des séquences sur YouTube comme dans un numéro sur la cupidité - la chanson Les cupides décident - où il peut faire apparaître Vincent Lacroix et Bernard Madoff et jouer avec ces images.»

Le décor est constitué de lumières LED parmi lesquelles évoluent les musiciens-acteurs-chanteurs, une technologie qui permet d'appeler chacune des lumières individuellement et de lui donner une couleur et une intensité à un moment précis. On mise également sur des projections sur un écran transparent et sur les murs de la salle synchronisées avec la musique.

Éviter le piège

Le piège d'un tel exercice est évident: à force de vouloir faire moderne, on risque de céder au gadget, à la bébelle. Taschereau en est conscient. «Si c'était juste moi, on risquerait beaucoup de tomber dedans, mais Michel et Victor m'arrêtent: «C'est trop, enlève ton chapeau de vendeur, François.»» La réaction du public de Québec l'a rassuré: «Ils nous ont dit: on s'est amusés et on a ri. On ne s'attendait pas nécessairement à ça.»

Il faut dire que les textes des chansons, signés Simon Fortin, sont pour la plupart drôles et truffés de calembours, sur des musiques pondues par Taschereau, qui les chante, et énergisées par les arrangements de Champion. Les deux chansons dénonciatrices de l'album, Les cupides décident et Mon église me culpabilise, sont servies au début du spectacle: «On se libère de ça pour être par la suite un peu plus légers, entre guillemets.»

Taschereau a d'autres projets dans ses cartons dont le retour des frères pogo qui font quatre chansons dans le fidelcho et lanceront un album à l'automne: «Au début des années 80, les pogo faisaient leur truc avec des petits synthétiseurs Yamaha à batterie. Aujourd'hui, ils arrivent sur scène avec des iPad. Dans la première version du spectacle, à Québec, on était branchés avec des fils et on jouait sur une planche à repasser. Aujourd'hui, on utilise la nouvelle génération d'iPad comme des contrôleurs sans fil, complètement mobiles.»

François Taschereau ne s'offusque pas qu'on le perçoive comme un gars qui a fait un coup d'argent et qui s'offre aujourd'hui le trip de sa vie. «C'est juste, dit-il. Et puis faire un disque et surtout produire un spectacle de cette envergure, ça coûte assez cher.»

Il rêve maintenant de donner une seconde vie au fidelcho et peut-être même de le transporter outre-Atlantique: «Quand je me suis assis avec Simon et Maxime, il y a environ cinq ans, je leur ai dit: la journée où on sera de l'autre côté et on prendra un verre ensemble, on pourra dire mission accomplie. On a encore des rêves à réaliser.»

Le fidelcho, Cinquième Salle de la Place des Arts, du 11 au 14 mai.