Signée Yael Naim, la chanson New Soul fut retenue par Apple pour être la musique d'une publicité diffusée mondialement. L'effet d'une traînée de poudre, il va sans dire. En quelques mois de l'année 2008, l'Israélienne établie à Paris est devenue une star mondiale et son album (sans titre) s'est écoulé à plus de 800 000 exemplaires. On comprendra que l'escale montréalaise qui s'ensuivit alors au Théâtre Maisonneuve (dans le cadre du festival de jazz) rassembla un public enthousiaste... qui devrait se présenter de nouveau ce samedi à l'Astral.

De nos jours, force est de constater qu'une chanson récupérée par la pub n'induit plus de questionnement éthique, même dans le monde de la pop indie. Bien au contraire! En voici une autre démonstration:



«Dans mon cas, ce fut très positif, affirme sans ambages Yael Naim. Quand tu fais des ballades en hébreu et que tu connais la réalité du disque, c'est très positif ! (rires) Au début, on ne croyait même pas que cet album allait sortir. Et puis il est sorti pour devenir disque d'or en France au bout de six mois. La pub est arrivée ensuite, une fenêtre incroyable s'est alors ouverte sur le monde. Des gens d'autres pays ont pu découvrir notre musique. Franchement, je ne pense pas que ç'aurait pu se passer de manière aussi globale sans cette pub. Nous avons été très contents, car on peut aujourd'hui faire le métier qu'on aime, sans compromis.»



Après s'être produite à l'Olympia parisien où elle présentait en début de semaine son nouveau spectacle, la chanteuse, auteure et compositrice débarque ce samedi dans une salle montréalaise. Jointe au téléphone avant la grande traversée, elle nous parle de l'album She Was A Boy qui vient d'être lancé sur ce continent.



«Le précédent avait été créé durant une période très mélancolique de ma vie, les chansons (dont plusieurs en hébreu) étaient venues d'un coup. Ces chansons étaient très simples et acoustiques, tout en laissant un peu de place à un monde de rêves dans les arrangements. Pour celui-ci, j'ai acquis plus de liberté et plus de rythme. Plus de rythme à cause de cette nouvelle énergie que m'a procuré ce démarrage bien réel de ma carrière. Conséquemment, quelque chose s'est lâché dans certaines de mes chansons.»



Se dégage aussi de cet album un spectre émotionnel plus vaste, croit la principale intéressée.



«Ce qui m'a préoccupé le plus ces dernières années, ce fut apprendre à mieux me connaître. Ce que retiens de cet apprentissage, c'est qu'il est difficile. Car nos traits de caractères sont mélangés, contradictoires, complexes. Être soi-même dans toute sa complexité exige aussi de ne rien cacher. C'est pourquoi j'ai pour modèles des femmes artistes au caractère fort et complexes, je pense à Nina Simone ou Frida Kahlo par exemple.»



«Par le fait même, cet album parle aussi de la différence de l'autre. Du caractère unique de chacun, du chemin qui conduit à devenir soi-même. Ces chansons illustrent cette bataille entre le monde intérieur et le monde extérieur. Entre ce à qu'on s'attend de nous et l'assomption de ne pas y répondre avec ce que ça implique. En essayant de se comprendre soi-même, on finit par comprendre le monde.»



Est-il besoin d'ajouter que Yael Naim a entrepris d'être comprise par le monde... en s'exprimant exclusivement en anglais sur l'album She Was A Boy.



«L'album précédent, rappelle-t-elle néanmoins, comportait plusieurs textes écrits en hébreu. Avant de faire cet album, j'étais dans cet état. Quand j'ai quitté Israël, la famille et les amis m'ont tellement manqué que je me suis connecté à ces souvenirs en écrivant des textes en hébreu.»



«Pourquoi pas le français? De l'enfance à l'âge adulte, j'ai parlé surtout l'hébreu et l'anglais. La chanson que j'écoutais depuis l'enfance était surtout anglaise même si je parlais trois langues. Je ne suis revenue au français que pendant les dix dernières années de ma vie. Même si j'ai quelques chansons écrites en français, j'ai l'impression que ce n'est pas encore mûr, pas assez naturel pour moi. C'est une langue riche et complexe, je n'ai pas l'instinct d'écrire en français... peut-être que ça viendra avec le temps.»



À l'écoute de She Was A Boy, un album serti d'arrangements fins, on comprend que Yael Naïm témoigne d'une solide culture musicale:



«J'ai commencé par la musique classique qui m'inspire sans fin. Puis j'ai travers une grande période de jazz (rythmes de la Nouvelle Orléans, grands pianistes Art Tatum, grandes chanteuses) tout en passant par la soul, les approches acoustiques à la Joe Henry ou même la pop indienne de Bollywood.»



On imagine donc une relation hautement créative avec son collègue David Donatien, avec qui elle dit former un groupe. Yael Naim en résume la dynamique :



«Je compose les musiques, j'écris les textes toute seule, après quoi je fais écouter à David. Au début, j'enregistre des idées guitare-voix et David réagit avec des idées pour la suite des choses. Spontanément il commence à enregistrer des idées, puis on s'enregistre ensemble, ça m'inspire, ça l'inspire et on continue de travailler comme s'il s'agissait d'un ping pong entre nous. Il peut arriver qu'on ne soit pas d'accord, on part alors chacun de son côté et on compare ensuite les enregistrements. Ça a duré comme ça à peu près deux ans.»



De toute évidence, l'une ne va pas sans l'autre.



«David est plus qu'un directeur artistique, bien qu'il soit moins attaché que moi à la matière première. Il fait en sorte que mes idées soient poussées plus loin. Ensemble, on joue presque tous les instruments et il nous arrive d'inviter des musiciens pour obtenir une certaine couleur. La couleur, c'est le résultat de nous deux.»







Yael Naim se produit ce samedi, 20h,à L'Astral. Emilie Clepper assurera la première partie.