Il y a 50 ans, Chubby Checker a rendu le twist célèbre. Mais il attend toujours son intronisation au Temple de la renommée du rock.

«Danser séparément sur le même rythme. Voilà ce que j'ai amené à l'industrie de la musique. Avant moi, les gens dansaient collés. Après, ça n'a plus été pareil.»

Comme un mantra, Chubby Checker répète la même phrase au moins six fois pendant l'entrevue. Le ton est professoral, presque didactique. Manifestement, le chanteur de 69 ans veut s'assurer que le journaliste a bien compris, et qu'il rapportera fidèlement ses propos.

Il est généralement mal vu de cultiver sa propre légende. Mais le sympathique Chubby Checker le fait avec tellement de bonhomie qu'on a envie de lui pardonner. Issu de la vieille école, l'homme a conduit seul de Philadelphie à Montréal pour promouvoir sa nouvelle tournée québécoise qui l'amènera à la Place des Arts, le 21 avril. Et malgré un petit côté «vendeur de balayeuses» («Dis à tout le monde que ce sera tout un show»), il s'avère particulièrement affable et divertissant.

Et puis, n'enlevons pas à César ce qui lui revient: dans un sens, c'est vrai que l'homme est une légende. Peut-être pas un pionnier, comme le furent Elvis, Chuck Berry ou Little Richard, mais certainement un incontournable de la deuxième vague rock'n'roll, celle du début des années 60, juste avant que la Beatlemania ne vienne remettre tous les compteurs à zéro.

The Twist, premier tube majeur de Chubby Checker, est sorti en 1960. Sa suite, Let's Twist Again, a été lancée avec autant de succès deux ans plus tard. Encore aujourd'hui, ces deux chansons demeurent d'absolus classiques. Et si la chanson n'est pas de lui (elle a été écrite et enregistrée par un certain Hank Ballard en 1959), c'est clairement Checker qui en a fait un succès planétaire.

«La chanson était moribonde quand je l'ai enregistrée, explique le gentil géant, en serrant affectueusement notre avant-bras. Les pas existaient déjà dans les ghettos. Mais comme il n'y avait aucune télé pour retransmettre le tout, personne ne savait comment danser le twist. Quand nous sommes passés à American Bandstand, tout a changé. Les gens ont vu. Et c'est là que le truc s'est propagé..»

Après cette spectaculaire entrée sur l'échiquier du rock, Checker a connu d'autres succès au palmarès (The Fly, Pony Time, Limbo rock, Twist it Up). Mais aucune autre chanson ne lui a autant collé à la peau que ce twist entêté, qu'on lui associe désormais, alors que pas grand monde ne sait réellement qui est Hank Ballard. Tant et si bien qu'il revendique aujourd'hui la chanson comme que s'il en avait été l'auteur «Oui, The Twist aurait pu arriver sans moi, mais ce n'est pas arrivé, tranche-t-il. Dieu me l'a donné comme il a donné Hound Dog à Elvis, même s'il ne l'avait pas écrite.»

En attente

Ironiquement, Chubby Checker attend toujours d'être intronisé au Temple de la renommée du rock'n'roll, alors que Hank Ballard, lui, y a été officiellement accepté en 1990. On devine que l'injustice taraude le grand Chubby qui, avec les années, a trouvé moyen d'éluder diplomatiquement la question. «Ma contribution au rock me suffit amplement, elle vaut tous les prix Nobel. Mais si un jour, le Temple de la renommée m'appelle, tant mieux. Sinon tant pis.»

Chubby Checker insiste: son twist a effectivement révolutionné la façon dont un homme et une femme bougent au son de la musique. Les variations qui ont suivi, du poney au shake, en passant par le fly et le hucklebuck, ont amené le style un peu plus loin dans l'érotisme sous-jacent et la subtile invitation à l'accouplement. Mais à bientôt 70 ans, Chubby Checker n'est pas convaincu que ces danses somme toute inoffensives n'aient engendré que du positif.

«Nous avons inventé le twist parce que c'était fun et que ça suggérait l'idée du sexe. Tout ce que nos mouvements disaient était: j'aimerais aller plus loin. Mais aujourd'hui, la musique a ralenti et c'est devenu beaucoup trop explicite. On dirait qu'il n'y a plus de règles...»

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Chubby Checker et la bouffe

De l'industrie du disque à celle de l'alimentation, il n'y a qu'un pas... que M. Checker vient de franchir allègrement. Surnommé Chubby à cause de son physique de grand bébé gourmand, le chanteur projette de lancer une gamme de produits junk food destinés aux grandes surfaces. «Twist par-ci twist par-là, j'en avais assez que des entreprises de nourriture fassent du fric en exploitant mon territoire. Alors j'ai décidé de m'y mettre aussi», explique le chanteur.

Les produits Chubby Checker, qui incluent notamment du pop-corn, du beef jerkey et des barres de chocolat, sont actuellement en phase de mise en marché. «D'ici quatre ans, je pense que ma société vaudra des millions», lance Chubby Checker, visiblement excité de nous confier ses ambitions commerciales.

Ce n'est pas tout. Chubby Checker prétend avoir inventé une friteuse révolutionnaire. Mais il se refuse à nous en dire plus, se contentant de dire qu'elle pourrait lui «rapporter des milliards».

«J'adore la bouffe. Cette entreprise sera plus grosse que Chubby. Ce sera énorme!»

CHUBBY CHECKER et les WILD CATS en spectacle. Le 21 avril à la Place des Arts de Montréal. Aussi les 16 avril au Palais municipal de La Baie, 17 avril à la Salle Albert-Rousseau de Québec, le 22 avril au Centre des arts Juliette-Lassonde de Saint-Hyacinthe, 27 avril au Théâtre du cuivre de Rouyn-Noranda et 29 avril au Théâtre Hector-Charland de L'Assomption.