Le président de la SODEC, François Macerola, avoue que la culture québécoise a du retard dans l'environnement numérique. Il promet de l'argent neuf en ce domaine autant pour la musique que pour le cinéma. Québec vient d'ajouter 3,5 millions en musique et M. Macerola indique qu'une partie de cette somme devra servir au numérique.

Annoncée mardi par la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, cette injection d'argent frais dans le domaine de la musique fait grimper à 11 millions le budget annuel consacré à ce secteur, budget que gère la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC). Quelle sera alors la portion consacrée au numérique?

«Il y a de l'argent pour le numérique inclus dans cette somme supplémentaire. On ne dira pas au milieu de la musique comment dépenser cet argent, mais on lui fera savoir ce qu'on en pense. Cette enveloppe de 11 millions, c'est beaucoup, mais... ce n'est pas assez», confesse François Macerola, président et chef de direction de la SODEC.

Effectivement, cette nouvelle somme ne peut annoncer un virage significatif dans le domaine de la création destinée à l'environnement numérique. À ce titre, François Macerola mène une vaste consultation auprès du milieu culturel afin d'en dégager des recommandations qui seront acheminées au gouvernement québécois à la fin de l'été. Répartis en différents comités, environ 250 professionnels du milieu participent activement à la démarche intitulée Option culture, virage numérique.

«Depuis 20 ans, nos systèmes de production, de distribution et de représentation sont en état de total déséquilibre», a soulevé le patron de la SODEC aux Rencontres québécoises de l'industrie de la musique, où il était invité mercredi à présenter cette opération.

Au Québec comme au Canada, François Macerola reconnaît que le financement public ayant trait à la production numérique s'est fait attendre trop longtemps:

«Nous sommes vraiment en retard. Le problème, je crois, c'est que la réflexion est restée dans les différents ministères - Travaux publics, Affaires municipales, Culture, etc. On voulait y développer LA politique. Or, Mme Saint-Pierre a eu l'intelligence de vouloir retourner à la base. Nous consultons le milieu et acheminerons les recommandations nécessaires.»

Plus précisément, Option culture, virage numérique a pour mandat «d'élaborer une stratégie numérique québécoise dans le domaine de la culture visant une progression stratégique et efficace des différents domaines culturels en s'appuyant sur l'expérience et la vision des acteurs de la scène culturelle québécoise.»

Les objectifs de la démarche sont «d'établir un diagnostic et identifier les principaux enjeux, de préciser le rôle de chacun des acteurs, de dégager les orientations et les actions les plus porteuses à court, moyen et long terme [...] pour ainsi propulser le Québec parmi les leaders en cette matière.»

Virage imminent

Inutile d'ajouter que ce virage du numérique de la SODEC est imminent.

«Le budget annuel consacré au «long métrage, production et mise en marché», fait observer François Macerola, compte actuellement 35 millions. Pour les nouvelles technologies? On n'a à peu près rien, c'est-à-dire un demi-million. Je ne sais pas encore comment on va le faire, mais je peux dire que ce virage numérique sera bientôt chiffré. Il nous faut d'abord terminer notre consultation avec nos partenaires financiers et partenaires de production.»

«Cela dit, ajoute-t-il, je ne compte pas déshabiller Paul pour habiller Pierre. Les enveloppes pour le cinéma et la télévision traditionnels resteront ce qu'elles sont. Il faudra de l'argent neuf pour le numérique. Vous savez, 35 millions me permettent de participer à la production de 25 à 30 longs métrages. Ainsi, nous obtenons une part de marché d'environ 10 % du marché québécois. Si on produit moins, nous pourrions nous retrouver à 1,5 % comme c'est le cas au Canada anglais. Il faut réaliser qu'il est important de subventionner et d'investir les sommes d'argent adéquates dans ce type de production.»

Dans cette optique, François Macerola s'inquiète du sort de la culture sous un gouvernement fédéral conservateur:

«Les secteurs culturels vont mal et ce gouvernement a décidé de ne pas investir. L'impact de ses décisions est très négatif. Imaginez ce qu'il en adviendrait si les conservateurs devenaient majoritaires! Ainsi, le gouvernement fédéral a abdiqué son rôle dans le dossier culturel. Conséquemment, il remet le fardeau aux institutions provinciales qui n'évoluent pas dans des conditions économiques des plus reluisantes.»