On connaît l'histoire, mais elle mérite d'être rappelée. Philémon Bergeron-Langlois chantait de petite scène en petite scène jusqu'à ce coup de tête en pleine vacances à Cuba: et si j'y enregistrais mon disque? Lancé et produit de manière indépendante, Les sessions cubaines a donné un prénom à l'artiste. Petite leçon de persévérance.

Par une journée grise dans laquelle on avance mieux avec les chansons déchirantes de Philémon Chante entre les oreilles, on fait la rencontre du musicien dans un café du boulevard Saint-Laurent, où il termine son bol de soupe. Salutations, on jase de l'air du temps, puis arrive le photographe.

Philémon Bergeron-Langlois, originaire de la capitale, suggère un plan de face, direct, limpide, plutôt qu'un profil de son visage. «Je n'aime pas faire les choses à moitié. Comme sur mon disque. Je ne cache rien, je montre tout, j'assume. Une manière de faire qui vaut pour le reste aussi.»

Détail révélateur. Ce gars-là est animé d'une conviction qui scie. On peut imaginer l'artiste remettre son ouvrage cent fois sur le métier, mais l'homme d'affaires - si on considère qu'il est sa propre PME de la chanson - sait ce qu'il veut. Et exige autant de ses collaborateurs que de lui-même.

C'est justement pour sceller un partenariat que Philémon chantera à la Sala Rossa jeudi avec ses collègues, dont le contrebassiste Philippe Brault, complice musical de Pierre Lapointe, et son lointain pianiste de cousin, Papacho, qui se déplace du Mexique pour l'occasion.

Ainsi, Audiogram a pris en licence Les sessions cubaines. «J'appelle ça mon accouplement avec Audiogram; on célèbre notre union», dit-il. Bon coup. L'album retourne sur les tablettes des disquaires muni d'un nouveau petit logo. L'occasion pour tous ceux qui n'ont pas encore plongé dans cet univers de chanson québécoise et d'authentiques arrangements cubains de le faire.

«Je savais que je vivais quelque chose d'extraordinaire là-bas», dit Philémon à propos de ces deux jours passés aux fameux studios EGREM, où travaillait l'Orquesta Aragon.

Un beau hasard de la vie qui n'en était pas tout à fait un non plus. «L'espagnol, je l'ai en moi», abonde-t-il. Un vrai coup de foudre, une langue qu'il est allé maîtriser à Barcelone pendant deux mois. «Ça m'a ramené à Cuba. L'espagnol est associé à de beaux moments dans ma vie. Et Cuba m'intriguait, de par son histoire. En plus, ils ont de bons musiciens. Leur musique se marie bien au climat de calme de ma propre musique.»

L'entente avec Audiogram lui enlève un poids sur les épaules. «Depuis l'enregistrement de cet album, ça a été beaucoup de travail, parce que j'étais tout seul là-dedans. Le temps que je passe à régler des détails, à booker mes spectacles, c'est du temps que je ne prends pas pour composer. Là, je sens que je redeviens un artiste.» Le concert de jeudi contiendra des chansons qui n'ont toujours pas été enregistrées.

«Pour la suite, je ne fais pas de plans, ajoute-t-il. J'ai plein de chansons, mais je n'ai pas fait le tri. Je n'ai encore aucune idée de ce dont aura l'air le prochain disque. Là, j'arrive du Mexique. J'ai découvert les corridos», ballades typiques du nord du pays qui, souvent, dépeignent le milieu criminel. «Cette musique m'inspire, elle est très proche du country.»

«J'aimerais aussi retourner en Inde bientôt, un pays que j'avais déjà visité, mais, surtout, je voudrais retourner à La Havane, retrouver les musiciens qui ont joué avec moi pour leur donner une copie du disque.» Et boucler la boucle.