Le quartet australien Cut Copy fait escale ce soir au Club Soda, dans le cadre de sa tournée en appui à Zonoscope, album fait de pop légère, d'harmonies vocales enjouées et de grooves ancrés dans la tradition de la club culture. Conversation avec le chanteur, DJ, multiinstrumentiste et réalisateur Dan Whitford.

Excusez-nous, mais on doit parler de bébelles. De petites et moins petites bébelles en plastique et en circuits imprimés qui valaient parfois cher dans les années 70 et 80 et qui, aujourd'hui, coûtent souvent une fortune. «Des synthés, je dois en avoir une quinzaine», avoue Whitford, qui concède avoir vu des collections plus impressionnantes.

«Je collectionne aussi les vieux vinyles, j'aime voir quels instruments on utilisait à l'époque, poursuit-il. Mon synthé préféré? Un Yamaha CS80, que j'ai acheté il y a quelques années.»

Une mythique et fragile bébelle qui peut aller chercher dans les 10 000 $, voire davantage, en version usagée. Brian Eno en a fait bon usage, tout comme Vangelis, Jean Michel Jarre, Jeff Lynne de ELO, on en passe. «Le CS80 est un peu le grand-père des synthés polyphoniques», c'est-à-dire qu'il peut émettre plusieurs sons et notes à la fois, ce qui n'était pas tout à fait courant en 1977.

On s'en doute, comme les légendes susmentionnées, Cut Copy s'en est servi à coeur joie sur Zonoscope, ce qui ajoute au cachet vaguement rétro de cette agréable galette disco-house-pop, «le disque le plus rythmé qu'on ait enregistré», insiste le musicien.

En fait, le son nouveau de Cut Copy a un pied dans ce siècle et l'autre dans le précédent. Comme la pochette du disque, un montage photo du regretté artiste contemporain Tsunehisa Kimura, qui s'était fait une spécialité de créer l'illusion; ici, une chute raflant ce qui semble être le centre de Manhattan mais qui, actualité oblige, pourrait être une illustration poétique du tsunami qui a balayé le Japon.

L'apport de DFA

Cut Copy ne s'est pas assis sur les lauriers récoltés en 2008 avec son second album, In Ghost Colours. Cet album, qui a mis le groupe sur la carte, a été réalisé par le cofondateur du label DFA, Tim Goldsworthy, un autre malade de synthés, confirme l'Australien en rigolant: «Tout à fait! Chez DFA, à New York, ils ont leur propre «docteur» de claviers, un type qui répare et bricole les vieux synthés dans son atelier. En travaillant avec ces gens-là, on a réalisé tout le potentiel de ces instruments. J'ai beaucoup appris chez DFA.»

Dan Whitford, qui a fondé Cut Copy il y a 10 ans, demeure encore DJ - le groupe a lancé un mixtape pour annoncer Zonoscope, intitulé A Tale of Two Journeys et fait de Bee Gees, de Shuggie Otis ou de Fleetwood Mac -, compose les textes qu'il chante et assure la réalisation. «J'ai toujours été comme ça: un workaholic, commente-t-il. En tournée, je ne peux me contenter de faire des concerts et de rentrer sagement à l'hôtel. Il faut que je m'occupe, que je lise, que je compose, que j'écoute des disques. Tous les gars dans le groupe sont de gros fans de musique.»

Whitford a fait du bon travail en reprenant les rênes de la réalisation. Ce choix a permis à Cut Copy de s'éloigner des autres groupes électro-pop, façon Hot Chip ou LCD Soundsystem. «Enregistrer chez nous, à Melbourne, tout en composant, c'était l'occasion d'expérimenter toute la journée, du choix du type de clavier qu'on voulait utiliser jusqu'à la forme des chansons.»

Pinacle de l'audace de Cut Copy, la chanson Sun God clôt dans le délire cet album assez sage. Quinze minutes de disco progressif et psychédélique; on se demande bien à quoi ça ressemble en concert. «Elle semble sonner différemment à chaque spectacle», commente Dan, sourire en coin.

Et qu'est-ce qu'un zonoscope, au juste?

«Une idée qui nous est venue, comme ça: le désir d'inventer un monde. Un endroit, pour être plus juste, un lieu presque physique, d'où les sons d'atmosphère, le vent, les oiseaux qu'on entend. Donc, le disque devient la fenêtre sur ce monde, le moyen d'y jeter un coup d'oeil. Disons qu'un zonoscope, c'est un genre de télescope braqué sur notre monde.»

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Cut Copy, ce soir au Club Soda.