Luc Plamondon aime bien la capitale de l'Ontario: «Chaque fois que je viens ici, je gagne un prix», a-t-il lancé samedi à la foule du Toronto Center of Arts où il a été intronisé, pour l'ensemble de son oeuvre, au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens en compagnie de Robbie Robertson, leader du groupe mythique The Band.

M. Plamondon a rappelé que, lors de son intronisation au Temple de la renommée des Juno, à Toronto en 1999, Céline Dion avait reçu une longue ovation après une spectaculaire interprétation du Blues du businessman et qu'elle l'avait invité à la rejoindre sur scène: «Grâce à Céline, ce soir-là, j'ai été applaudi par des gens qui ignoraient totalement qui j'étais...»

Samedi soir, c'est Pierre Karl Péladeau, président de Quebecor - un des commanditaires de l'événement -, qui a chanté les premières mesures du Blues du businessman: «J'ai du succès dans mes affaires/J'ai du succès dans mes amours»... Il ne s'est pas rendu à «Pour pouvoir crier qui je suis», ce qui aurait aidé ceux qui, à «Tranna», se demandaient qui était le monsieur qui voulait être un artiste... Éric Lapointe est venu prendre la relève dans cet hommage chanté à Luc Plamondon qui, dans le segment Starmania - musique de Michel Berger (1947-1992) -, comprenait les interprétations de Sébastien Plante (Le monde est stone) et Coral Egan, excellente dans Les uns contre les autres.

Dans la meilleure performance de la soirée, Brigitte Boisjoli a suivi avec une vibrante version d'Oxygène, un des grands hits de la collaboration Luc Plamondon/Diane Dufresne (1972-1984) que la jeune dame avait bien en bouche, comme on dit. Éric Lapointe a clos l'hommage avec L'amour existe encore (musique de Richard Cocciante) immortalisée par Céline Dion qui a par ailleurs livré sur vidéo le témoignage le plus senti: «Merci, Luc, a dit la chanteuse en français, d'écrire des mots qui durent et qui permettent à notre langue d'exister encore.»

Starmania, Notre-Dame de Paris. Diane Dufresne, Céline Dion. Julien Clerc, Garou. Montréal, Paris... À quoi travaille maintenant Luc Plamondon après 40 ans de succès? «J'aimerais monter un spectacle inspiré de mes chansons, a-t-il confié à La Presse. Je vais laisser passer celui de Ferland et je vais voir...» Le parolier - et producteur - faisait référence au musical Le petit roi, inspiré des chansons de Jean-Pierre Ferland, qui prendra l'affiche du St-Denis l'été prochain. L'an dernier, il y avait eu Le blues d'la métropole, une comédie musicale tirée de l'oeuvre de Beau Dommage.

«Ce spectacle prendrait-il la forme d'une histoire construite à partir de vos chansons de diverses époques?

- Toutes mes chansons sont des pièces de théâtre, alors les enchaînements dramatiques ne poseraient pas de problème...»

Ce méga-hit en puissance - imaginez juste le choix du titre! - débuterait à Montréal avant de se transporter à Paris...

On voit d'ici: nouvelles carrières transatlantiques, retours sur scène de stars tombées dans l'oubli... Voire quelques soirs à Toronto, qui sait?

Entre-temps, d'autres auteurs québécois ont été honorés samedi dans la Ville reine. Dans la catégorie «Époque radiophonique 1939-1969» d'abord, Pierre Létourneau pour La chanson des pissenlits, écrite «à la Brassens» en 1963 et fort bien rendue l'autre soir par Pierre Lapointe.

Deux autres artisans de la chanson québécoise ont désormais leur niche au Panthéon, catégorie «Époque moderne 1970-1985»: Gilles Valiquette pour Je suis cool (1972), bluesée au max par Antoine Gratton, et Jacques Michel pour la toujours belle Pas besoin de frapper (pour entrer chez moi) qu'a interprétée Wilfred LeBoutwhillier, à peine débarqué de Paris.

Du côté anglophone, trois chansons qui ont fait le top 10 durant ces mêmes années sont entrées au «Hall of Fame»: la plus que funky Oh! What a feeling! de Crowbar - ces messieurs étaient sur scène samedi: What a rush! -, la très soul When I Die, du groupe Motherlode où chantera aussi le futur Offenbach Breen LeBoeuf; et Wildflower, le grand slow de Skylark.

Par ailleurs, Roméo Beaudry (1882-1932), pianiste, compositeur et fondateur de l'étiquette montréalaise Star Gramophone, a été intronisé au Panthéon dans la catégorie Pionniers. Outre les Ovila Légaré et Isidore Soucy, M. Beaudry a découvert Mary Travers, La Bolduc, inoubliable interprète de La turlutte des années dures, qui aura aidé les Canadiens français de l'époque, tant ici qu'aux «États», à passer à travers la Crise.

Vingt-cinq ans plus tard, un autre pionnier, Yvan Dufresne, posera les bases de l'industrie du disque et du spectacle telle qu'on la connaît aujourd'hui. Producteur de disques et créateur de vedettes - Michel Louvain et Donald Lautrec, pour n'en nommer que deux -, M. Dufresne, 81 ans, a reçu le Prix du patrimoine de l'Association canadienne des éditeurs de musique.

Entre autres bons coups, en 1970, Yvan Dufresne a fait enregistrer à un chanteur du nom de Steve Fiset une chanson intitulée Les chemins d'été, bientôt rebaptisée Dans ma Camaro. Compositeur: André Gagnon; auteur: Luc Plamondon qui avait signé là son premier succès.

Samedi, le grand parolier a salué avec respect son premier producteur, l'un des grands noms du showbiz québécois. Luc Plamondon a aussi posé une question: «Qu'attend l'ADISQ pour rendre hommage à Yvan Dufresne?»

______________________________________________________________________________

Aujourd'hui à 16 h à MusiMax, Mike Gauthier consacre la totalité de son MusiMag à ce gala.