La jazzwoman Geri Allen, 53 ans, mère de trois enfants qu'elle a eus avec le trompettiste Wallace Roney, demeure une des références cruciales de notre époque, tous sexes confondus. Enfin de retour à Montréal, la pianiste amorcera mercredi une relation avec la grande chanteuse française Élizabeth Kontomanou. Excellente initiative du festival Jazz en rafale, qui se décline au féminin cette année.

Associée aux avant-gardes afro-américaines à l'époque où elle fréquentait le saxophoniste visionnaire Steve Coleman, Geri Allen avait ensuite enchaîné les projets individuels et accompagnements de très haut niveau; Ornette Coleman, Tony Williams, Betty Carter, Ron Carter, Dave Holland et Charles Lloyd figurent parmi ses illustres employeurs.

Son dernier passage à Montréal remonte à 2005, soit au sein de l'ancienne configuration du fabuleux quartette sous la direction du saxophoniste Charles Lloyd, séjour au cours duquel elle s'était également produite avec son trio. Ainsi, Geri Allen participait alors à l'une des plus belles aventures sur la planète jazz.

«Pourquoi avoir laissé le quartette de Charles? D'abord, je dois dire que ce fut pour moi une expérience merveilleuse. Charles est un leader extraordinaire, il accorde beaucoup de liberté à ses musiciens. Or, il était temps pour moi d'aller de l'avant et d'exprimer ma musique, ma propre voix en tant que soliste et compositrice. J'imagine que chaque créateur en arrive à vouloir exprimer son point de vue. Être leader de son propre ensemble est la meilleure manière d'y parvenir, je crois.»

»Une expérience très libre»

Ainsi, Geri Allen mène les destinées d'un quartette dont l'un des percussionnistes est Maurice Chestnut, un danseur à claquettes... La podorythmie à son niveau suprême! Kassa Overall, à la batterie, et Kenny Davis, à la contrebasse, complètent la formation. Réalisé en 2009, un enregistrement public en fait d'ailleurs état sous étiquette Motema Music. Quant au superbe Flying Toward the Sound (également sous Motema), album solo qu'elle a lancé il y a quelques mois, elle en explique la démarche:

«Ce qui en ressort est le résultat de plusieurs années de jeu et d'interactions humaines. Ayant enregistré en solo au tout début de ma carrière, je retrouve ce contexte et j'y explore une autre zone de mon existence. Il s'agit d'une expérience très libre, liberté d'ailleurs encouragée par mon label. Pour la scène, j'ai développé ce solo avec Carrie Mae Weems, artiste visuelle et photographe dont j'admire le travail. C'est pour moi très inspirant de jouer avec un film d'art de son cru en guise de toile de fond.»

Quant au duo nouveau prévu avec la chanteuse Élizabeth Kontomanou, elle vivra à Montréal le premier moment de cette rencontre: «Nous n'avons jamais joué ensemble, mais nous nous sommes beaucoup parlé. J'ai très hâte! Un enregistrement par la suite? Hmmm... une chose à la fois!»

»Bien connaître l'autre»

La trajectoire de Geri Allen, jazzwoman d'expérience et de renom, est certes marquée par le talent, mais encore plus par la générosité et la curiosité.

«Je me suis toujours investie dans des univers musicaux qui me posaient des défis personnels. Plusieurs musiciennes de ma génération, je pense à Terri Lyne Carrington, par exemple, ont respecté la tradition du jazz tout en s'intéressant aux musiques improvisées plus contemporaines. En restant ouvertes aux nouvelles idées aux nouvelles zones d'exploration.

«De plus, j'ai toujours aimé m'investir avec mes collègues musiciens. J'ai toujours étudié l'oeuvre de celles et ceux avec qui je suis engagée. Parce que je les respectais et que je voulais leur donner le meilleur de moi-même tout en demeurant libre dans mon expression. La partie la plus importante de la connexion entre musiciens, vous savez, c'est l'humanité de chacun. La préparation d'un musicien consiste d'abord à bien connaître l'autre.»

On comprendra que la quinquagénaire a beaucoup reçu, beaucoup donné. Geri Allen enseigne d'ailleurs le piano à l'Université du Michigan, bien qu'elle vive au New Jersey, tout près de New York, là où elle a élevé ses trois enfants dont elle est visiblement très fière:

«Mon fils est trompettiste, ma plus jeune s'intéresse au théâtre musical, ma plus âgée travaille avec les enfants. Une chose est sûre, mon rôle de mère ne se terminera jamais. Toujours ma priorité absolue. Depuis la naissance de mes enfants, la part la plus importante de ma vie a été celle de mère. Au-dessus du reste.»

La pianiste Geri Allen se produira le 16 mars, à 20h, à L'Astral, en ouverture du festival Jazz en rafale.