Baisse d'achalandage anticipée, plafonnement du marché de la musique numérique, perspectives réduites des plateformes musicales en ligne jadis portées aux nues... Voici autant d'éléments qui contribuent à la formation de nuages gris au-dessus des quelque 8000 membres de l'industrie du disque réunis jusqu'à aujourd'hui à Cannes pour le 45e Marché international du disque et de l'édition musicale.

Mark Mulligan, de la firme Forrester Research, était invité à dévoiler les conclusions d'une étude à l'intitulé lucide: Music Industry Meltdown: Recasting the Mold («L'écroulement de l'industrie de la musique: refaire le moule»). Ses propos, rapportés par le New York Times, ne font pas dans la dentelle.

«Nous nous trouvons à une des étapes les plus inquiétantes de cette industrie. Tel qu'il se présente aujourd'hui, (le marché de) la musique numérique est un échec», croit-il.

Le commerce de fichiers musicaux en ligne, perçu comme une voie de secours de l'industrie du disque, montre d'inquiétants signes de stagnation aux États-Unis, où l'on connaît une hausse de revenus de 6 % par rapport à l'année dernière. Si la tendance n'a pas encore frappé le pays hôte du MIDEM (le marché du numérique en France est en hausse de 14 %), le milieu demeure néanmoins prudent face aux résultats décevants du plus important marché du disque du monde.

«Dépression, intensité et urgence: voici les émotions qui parcourent le MIDEM. C'est le titre d'un billet rédigé par l'observateur américain Paul Resnikoff, du site de référence Digital Music News. Malgré tout, note Resnikoff, le MIDEM «est la place où il faut être».

Franz Schuller, patron du label Indica (Les Trois Accords, Caracol, Final Flash...) est l'un d'eux. Joint à Cannes, il confirme ce que tous ont observé, une baisse de fréquentation de l'événement.

«Les hôtels à Cannes coupent sur les prix. C'est sûr qu'il y a moins de monde, mais je pense que c'est aussi parce que les vendeurs de souliers n'y sont plus. C'est la sélection naturelle qui opère; ceux qui restent sont ceux qui font ce travail par passion, parce qu'ils aiment la musique et qu'ils croient en leurs projets», affirme Schuller, qui représente l'une des 20 firmes québécoises à avoir fait le voyage à Cannes cette année.

La déprime? Schuller entend la rumeur, mais il est là pour brasser des affaires.

«Franchement, ça fait trois ans que j'ai arrêté de me soucier de la mort de l'industrie du disque», répond-il en citant la spécialiste en stratégies musicales Virginie Berger, qui s'est servi de l'exemple de Misteur Valaire pour étoffer sa présentation intitulée Freeconomics - ou comment donner sa musique peut rapporter.

Signes encourageants

Plusieurs annonces se succèdent pendant le MIDEM. Certaines encourageantes, d'autres illusoires. Le service de diffusion musicale en ligne Spotify continue de faire parler de lui, tantôt pour ses rumeurs d'entente avec Sony Music aux États-Unis, ce qui accélérerait son arrivée dans ce marché, tantôt pour la faiblesse des dividendes que l'entreprise verse aux labels. Un représentant de Warner en France a indiqué que 800 000 écoutes correspondent à des revenus de seulement 160 euros de Spotify.

Alors qu'en France, on applaudissait l'entente signée entre le fournisseur cellulaire Orange et la plateforme musicale Deezer, les majors se font dire d'être patients à propos des revenus à tirer de ce genre de service de musique en ligne. Seulement 10 % des usagers finiraient par s'abonner au forfait payant. L'association entre téléphonie mobile et musique fait néanmoins rêver à un avenir meilleur.

Autre nouvelle, l'annonce du nouveau concurrent au iTunes Store d'Apple, une structure web mise en place par Sony Music Unlimited. La musique sur un nuage (le «cloud computing») et sa discographie accessible sur toutes les plateformes, selon un modèle d'accessibilité ouvert aux appareils des autres fabricants (le système d'exploitation Android, par exemple). En reparlerons-nous au prochain MIDEM?