Révélée en 2009 en Australie dans l'opéra Werther de Massenet, la mezzo-soprano montréalaise Michèle Losier revient dans sa ville natale interpréter ce même rôle de Charlotte. Mais depuis deux ans, l'étoile montante de la scène lyrique internationale a fait bien du chemin. Et ses planètes sont très bien alignées...

Il était une fois en Acadie une petite fille de 6 ans qui aimait la musique. Ses parents lui faisaient écouter Abba, Nana Mouskouri, Barbra Streisand, Francis Cabrel et Luciano Pavarotti. Un jour, elle rêve qu'elle devient chanteuse d'opéra. Non seulement son rêve s'est réalisé, mais Michèle Losier est devenue une des mezzo-sopranos les plus demandées sur la planète lyrique.

Née à l'hôpital Sainte-Justine en 1978 d'un père acadien et d'une mère québécoise, elle a d'abord étudié le piano à Saint-Isidore. Revenue au Québec au secondaire, elle se fait une amie qui, comme elle, aime l'opéra. À l'âge de 18-19 ans, on découvre qu'elle a une belle voix. «Je chantais dans les chorales, fort d'ailleurs! On a estimé que j'avais un potentiel.»

Madeleine Jalbert, qui connut une belle carrière de contralto en Europe, la prend en main et la dirige vers le chant plutôt que vers le piano. «À 18 ans, on a la naïveté et la fraîcheur de dire «pourquoi pas»? Maman était surprise, mais elle savait que j'étais lucide.» Michèle Losier entre à McGill. Sa montée dans l'univers lyrique se fait graduellement, à force de travail, de passion et de conviction. Et avec des reconnaissances, des subventions et l'aide de «la Fondation Jacqueline Desmarais, qui m'a permis de payer mes cours de chant», dit-elle.

Elle gagne le 1er prix au concours des Journées de la musique française en 2000, puis le premier prix au Concours de musique du Canada en 2001, et le premier prix en mélodie française au Concours des jeunes ambassadeurs lyriques du Canada en 2004.

L'année 2005 lui réserve une autre belle récompense. Elle remporte les auditions du Metropolitan Opera de New York. «C'était énorme, dit-elle. Je n'avais jamais rêvé à ça.» Cette année-là, elle fait ses débuts à l'Opéra de Montréal, dans L'Étoile de Chabrier. Elle continue de se former, de travailler, notamment avec la soprano Lyne Fortin puis avec le grand professeur de chant new-yorkais, Marlena Malas.

Puis, elle débute au Met en 2007 dans Iphigénie en Tauride, avec rien de moins que Placido Domingo. Elle participe ensuite au prestigieux Concours musical international Reine Élisabeth de Belgique en 2008. Elle atteint la finale, mais sans gagner de prix. Qu'importe, les critiques l'encensent. Sa prestation lui ouvre les portes d'un enregistrement, les mélodies de Duparc, et d'une tournée de récitals.

En 2009, elle est invitée à remplacer au pied levé la diva Pamela Helen Stephen pour jouer Charlotte dans Werther à Sydney. Les critiques sont dithyrambiques. «Une magnifique prestation, marquée par la maturité émotionnelle et la virtuosité vocale», lit-on dans la presse australienne qui estime que sa «posture et son potentiel dramatique» évoquent... Maria Callas. Sa voie est tracée.

Comme le rôle de Mimi dans La Bohème confère une totale plénitude à une soprano, Charlotte fait son bonheur de mezzo-soprano. «Charlotte colle bien à ma voix et à mon jeu d'actrice, dit-elle. Le rôle m'a permis de m'épanouir vocalement et de trouver la couleur juste de ma voix.»

Depuis, elle reçoit des contrats de partout. Toutes les grandes salles du monde lyrique lui ouvrent leurs portes. Mais elle garde les pieds sur terre. Elle veut trouver un équilibre entre travail et repos et souhaite pouvoir fonder une famille. «On ne peut refuser les contrats au début, mais c'est dangereux de se fatiguer, dit-elle. D'un autre côté, je me sens encore en période d'essai. Je ne tiens rien pour acquis. On est remplaçable. Il faut prendre ce qui passe.»

Elle pense s'installer en Europe, où elle voudrait notamment percer le marché allemand et «chanter à Vienne». En attendant, elle se prépare pour la première de ce soir. Aura-t-elle le trac devant «son» public, sa famille et ses amis?

«J'ai le trac les jours précédant la première mais quand j'arrive sur scène, je respire mieux qu'en dehors de la scène. Quand on côtoie de grands chanteurs, ça fait du bien de voir qu'eux aussi ont le trac. Quand, avant d'entrer sur scène, on demande à Placido Domingo s'il est prêt, il répond «On va voir!». Il ne dit jamais «Je vais bien!» Le trac ne part jamais.»

Werther, de Massenet, salle Wilfrid-Pelletier, les 22, 26, 29 et 31 janvier, 3 février, à 20h.