En 2010, plusieurs nouveaux talents ont surgi dans toutes les disciplines. Notre série Nouveaux visages vous présente neuf de ces artistes qui devraient faire parler d'eux en 2011. Voici le 4e portrait de cette série.

Pour certains, c'est «le gars qui chante en duo avec Coeur de pirate» sur la chanson et la vidéo Pour un infidèle. Pour d'autres, c'est le chanteur du défunt groupe Chocolat, formation rock-québ-sur-le-party iconoclaste. Mais depuis novembre, Jimmy Hunt est tout simplement... Jimmy Hunt, grâce à son album solo éponyme, à la fois cru, fragile, cinématographique, romantique, violent. Et vraiment pas «fucking plate».

À la sortie de l'excellent album éponyme de Jimmy Hunt, qui figure d'ailleurs dans plusieurs palmarès «meilleurs disques de 2010», les comparaisons n'ont pas manqué: amalgame de Fred Fortin et Jacques Dutronc, émule de Serge Gainsbourg, folk-blues à la Dylan, mais en français...

Pour le folk et le blues, cela tient beaucoup à l'harmonica, dont Jimmy Hunt joue depuis l'âge de 13, 14 ans: «À l'époque, j'écoutais beaucoup Neil Young, Dylan, Leadbelly, Woody Guthrie, explique l'auteur-compositeur de 33 ans. C'est pour ça que j'ai appris à jouer de l'harmonica, sans réaliser que, pour bien des gens ici, c'est un instrument folklorique. C'est pas tout le monde qui en joue... et c'est pas tout le monde qui veut en entendre jouer!»

Peut-être, mais c'est un instrument parfait pour voyager: après ses études secondaires, Hunt a été musicien de rue à Québec (il est né à Saint-Nicolas), puis dans l'ouest du pays. Il a ensuite visité le Yukon, l'Alaska, le Mexique, la France, l'Angleterre, l'Espagne: «En Europe, je jouais du folk américain dans la rue, ils adoraient ça.» Quand il revient, il s'installe à Montréal, joue dans le métro, écoute aussi du Gainsbourg, du Nino Ferrer...

C'est vrai qu'un Gainsbourg aurait pu écrire, comme le fait Hunt dans sa chanson Everything Crash: «Mariane doit partir tout l'été travailler dans le Wisconsin/J'vais devoir me masturber tous les jours en rêvant à ses mains». Qu'un Dutronc n'aurait pas répudié une ligne telle: «C'était long et vraiment fucking plate/J'aurais préféré t'emmener en motocross», chantée d'une voix traînante. Et, oui, les «ouin, ouin, ouin» qui émaillent son morceau Les moineaux et les loups ne dépareraient pas le répertoire d'un Fortin.

Mais lequel d'entre eux aurait été assez fleur bleue pour chanter avec ferveur Ton nom fait battre mon coeur, comme Hunt le fait dans Mathilde? C'est cet étrange mariage de vulnérabilité et de morgue, d'arrangements raffinés et de violence contenue, d'accent un brin français et d'expressions très québécoises, qui font de Jimmy Hunt un cas à part. Et un parolier qui privilégie l'extrême simplicité, loin du symbolisme ou de l'impressionnisme qui ont souvent cours au Québec.

«J'ai composé la plupart des chansons alors que j'étais dans une période assez triste de ma vie, explique-t-il. Je n'avais plus de vie de couple et plus de groupe de musique (NDLR: en raison de ses frasques, le groupe Chocolat avait perdu son contrat de disque). Bref, j'étais devenu mortel. Comme tout le monde l'est. Alors, j'ai laissé faire le cynisme, le détachement, même si ça faisait quasiment Fernand Gignac, certaines de mes paroles. Mais c'est vrai que le coeur nous bat en entendant le prénom d'une personne qu'on aime. Je ne voulais pas en faire une construction poétique, juste le dire de façon très accessible, très claire...»

Très claire... mais qui remarquera immédiatement que son disque est aussi inspiré du vaudou? Que ce soit les références aux tontons macoutes (titre d'une de ses chansons), au guérisseur, au sang et aux plumes (dans Annabelle), à la déesse Erzulie Freda (un très joli morceau instrumental) ou carrément tous les symboles utilisés pour illustrer les superbes pochette et livret, le vaudou est partout: «En fait, c'était l'idée du pacte vaudou qui m'inspirait: tu peux faire un pacte afin d'obtenir l'amour de quelqu'un, par exemple. Mais il y a toujours un prix à payer, et un prix élevé, on a tendance à l'oublier...»

Toutes ces images à la fois fortes et simples s'appuient sur des musiques tout aussi solides et épurées, signées Hunt, mais co-arrangées avec le réalisateur Martin Chouinard, lui aussi membre de feu le groupe Chocolat - et doué rare! C'est Martin qui a suggéré que chacun des 13 morceaux ait sa couleur musicale propre: chanson française des années 70, rock brit à la manière des Kinks, folk à la Bob Dylan, pointe de ska en accéléré pour Everything Crash (en hommage au groupe The Ethiopians) ...

C'est tout cela qui a notamment valu à Jimmy Hunt l'étiquette de «chansonnier moderne». Euh, pas vraiment cool, non, cette expression? «Ben, le mot «chansonnier» aussi, ça a un côté folklorique et rigodon pour bien des Québécois. Mais moi, je l'aime bien. Si ça peut donner une autre vie à «chansonnier», ce que je fais, ça me fait plaisir», conclut Jimmy Hunt, avec un sourire à la fois carnassier et désarmant.

POUR EN SAVOIR PLUS SUR JIMMY HUNT:

> Le clip Motocross, très réussi (YouTube).

> L'émission Mange ta ville, où Hunt rencontre Fred Fortin (sur YouTube).

> La version acoustique de Everything Crash (sur Vimeo).

> La Javanaise de Gainsbourg interprété par Pierre Lapointe et Jimmy Hunt à Belle et bum (sur YouTube).