Trois jours avant son assassinat, John Lennon se plaignait de ses détracteurs, les accusant de ne s'intéresser qu'aux «héros morts», et évoquait avec optimisme sa famille et son avenir, imaginant avoir «largement le temps» d'atteindre certains buts qu'il s'était fixés.

La dernière entrevue de l'ex-Beatle a été transmise à l'Associated Press par le magazine Rolling Stone mercredi, 30 ans tout juste après sa mort. Le 8 décembre 1980, le musicien qui venait d'avoir 40 ans était assassiné par balles devant l'immeuble new-yorkais où il résidait. Si des extraits de cet entretien réalisé par Jonathan Cott sont parus en 1980 après la disparition de Lennon, jamais encore l'intégralité de l'entrevue, proposée dans le numéro de Rolling Stone attendu en kiosques vendredi, n'avait été publiée par le magazine.

«Ses mots sont totalement joyeux, vibrants, pleins d'espoir, subversifs et dénués de peur», a expliqué Cott, mardi. «Il ne mâchait pas ses mots.»

Dans cet entretien, Lennon réservait certaines de ses paroles les plus dures aux critiques continuellement déçus de l'itinéraire que le musicien originaire de Liverpool avait emprunté, aussi bien en musique que dans sa vie, après la séparation des Fab Four.

«C'est comme l'adoration d'une idole», grinçait-il en évoquant les «illusions sur les artistes» créées par «ces détracteurs». «Ils aiment seulement les gens quand ils sont en pleine ascension.»

«Ce qu'ils veulent, ce sont des héros morts, comme Sid Vicious et James Dean. Cela ne m'intéresse pas d'être un héros mort...»

Il prédisait également que Bruce Springsteen, alors salué comme l'avenir brillant du rock, endurerait les mêmes critiques: «Et que Dieu vienne en aide à Bruce Springsteen quand ils décideront qu'il n'est plus Dieu (...) J'espère qu'il y survivra.»

Mais Lennon parlait également de ses efforts pour être un bon père pour son plus jeune fils Sean, apprendre à communiquer avec un enfant et évoquait son lien fort avec son épouse Yoko Ono: «J'ai choisi de travailler avec (...) seulement deux personnes: Paul McCartney et Yoko Ono (...) Ce ne sont pas de mauvais» choix.

À 40 ans - depuis le 9 octobre 1980 -, il réfléchissait aussi à ce qu'il avait accompli dans la vie, explorait les grands sujets de la vie et restait engagé en faveur de la paix et de l'amour sur Terre.

«Je n'ai jamais revendiqué la pureté de l'âme. Je n'ai jamais prétendu avoir les réponses à la vie. Je sors seulement des chansons et réponds aux questions aussi honnêtement que possible (...) Mais je crois toujours à la paix, l'amour et la compréhension.»

Jonathan Cott a interviewé Lennon dans son appartement et à son studio d'enregistrement. L'entretien était initialement prévu pour un article sur Lennon et l'album à venir de Yoko Ono, Double Fantasy, mais dans la précipitation à boucler un article après l'assassinat de Lennon tué par balles par Mark David Chapman, seules quelques bribes furent utilisées.

Cott a confié mardi qu'il n'avait réécouté ces heures d'enregistrement qu'il y a quelques mois, à la faveur d'un rangement. Évoquant une «sorte de miracle», il a expliqué que la «bande n'était pas dégradée après 30 ans». Entendre sa voix, «totalement vivante, m'a tellement inspiré que j'ai senti que je devais» vraiment poser l'intégralité de ses paroles sur le papier, dit-il, ajoutant avoir été frappé par les pensées de Lennon sur sa mort et la mortalité. «Je pense que c'était pareil à une réflexion» propre à la cinquantaine.

Yoko Ono a diffusé mardi soir un communiqué en hommage au musicien, appelant ses admirateurs, en cet «anniversaire tragique», à la rejoindre dans le souvenir de «John avec un respect et un profond amour». En 40 ans de vie, «il a tant donné au monde. Le monde a eu de la chance de l'avoir connu. Nous continuons à apprendre tant de lui aujourd'hui», a-t-elle ajouté. «John, je t'aime!».