Land of Talk est une autre histoire de migration culturelle qui commence dans le Rest of Canada et qui aboutit à Montréal... avant d'irradier le Rest of the world en autant que faire se peut. Elizabeth Powell provient d'une petite localité au nord de Toronto.

Adolescente, elle voulait faire des études universitaires en Europe mais n'avait pas le fric nécessaire. Son petit copain d'alors était déjà parti s'installer à Montréal pour y étudier à l'École nationale de théâtre. Elle l'a visité à quelques reprises, la magie a fait son oeuvre.

«Je suis tombée en amour avec Montréal, c'était pour moi la meilleure solution entre l'Europe et l'Amérique. J'adore vivre dans le Mile-End! Mon français n'est pas le meilleur qui soit mais je fais des efforts», explique l'auteure-compositrice-interprète, jointe il y a quelques jours en Caroline du Nord, quelques heures avant de monter sur scène.

On ne cause pas à la fondatrice de Land of Talk pour des motifs ethnologiques: Cloak and Cipher, le deuxième album de Land of Talk, est un des très bons albums anglo-montréalais à avoir été lancés en 2010 et Liz Powell se produit sous cette bannière ce jeudi au Cabaret du Mile-End. Avant la sortie de son dernier opus à la fin de la saison chaude, ce qu'on connaissait de Land of Talk n'était guère impressionnant quoique correct. La principale intéressée, elle, attribue ce résultat à un manque de moyens.

«J'avais d'abord emprunté 750$ à ma mère afin d'enregistrer mes sept premières chansons. Pour le premier album (Some Are Lakes), nous avons obtenu une bourse de FACTOR (pendant anglophone de Musicaction). Nous avons pu enregistrer deux semaines au lieu de trois jours. Mais... puisque je revenais de plusieurs mois de tournée, je n'avais pas suffisamment réfléchi aux environnements sonores qu'on allait enregistrer. Par la suite, j'ai réalisé que j'étais la seule membre originelle du groupe. Qui plus est, la seule songwriter. »

Aujourd'hui? Rien de plus clair: Liz Powell EST Land of Talk.

«Afin de préparer l'enregistrement de Cloak and Cipher, j'ai beaucoup travaillé sur la route. Je disposais des logiciels nécessaires à mon ordi, les chansons avaient mijoté plus longtemps dans mon esprit avant que je n'entre en studio. Et puis j'ai eu le privilège de travailler avec Jace Lasek à son studio, Breakglass. Professionnel excellent! J'adore sa manière de traiter le son, j'adore son groupe, The Besnard Lakes. Ce fut pour moi un pur plaisir de retravailler avec Jace. Je démarrais les choses seule avec lui, j'invitais ensuite les collaborateurs. J'ai été bénie! Patrick Watson, par exemple, est venu un soir par hasard pour prendre un verre avec Jace et il a finalement accepté de collaborer à cet album.»

D'autres collaborateurs de la communauté indie, notamment des membres des Stars, Arcade Fire et Thee Silver Mt.Zion ont aussi participé aux sessions d'enregistrement.

Quant aux textes de Cloak and Cipher, Liz Powell estime y avoir évité le ton de la confession ou de la confidence. Elle souligne que les récits linéaires la rebutent. «J'ai été marquée par le style littéraire des Pixies, Pavement ou Nirvana. J'ai beaucoup de plaisir à jouer avec les mots. Les mots sortent de moi comme des notes de guitares, on ne sait exactement de quelle portion de l'inconscient ça provient. Sur Better and Closer, par exemple, je ressens l'urgence de la proximité. La ligne vocale «I'm near you / couldn't be far» devient un mantra qui rassure les deux interlocuteurs de l'histoire.»

Pour mener à bien sa tournée actuelle, Liz Powell dit avoir adapté le son de Cloak and Cipher. «La résultante sur scène est un animal très différent. Longtemps, j'ai cru important de reproduire le son de mes enregistrements... et j'ai finalement admis qu'il fallait faire les choses autrement. Chose certaine, le son reste doit rester plein sur scène.»

Et qui remplit ce son ?

«Corri-Lynn Tetz, cette superbe artiste dont les peintures ornent l'album est aussi ma choriste en plus d'être ma meilleure amie. Elle a une voix extraordinaire! Le reste du groupe... est un autre groupe: en tournée, Suuns a assuré les premières parties de mon spectacle et m'a accompagnée ensuite. J'adore ce concept d'autant plus économique... et je demande parfois si nous sommes devenus Land of Suuns ou Suns of Talk!»

Précédé de Snailhouse et Braids, Land of Talk se produit jeudi soir au Cabaret du Mile-End. Le programme démarre à 19h30.