Bien que leurs origines soient américaines, ils sont musulmans soufis. Ils ont acquis la citoyenneté indonésienne et ne sont pas tout à fait cow-boys, comme l'annonce le programme du Festival du monde arabe.

Ali Al Mujahid, le bassiste et manager de la formation Debu, n'affiche aucun signe religieux ostentatoire. Vêtements réguliers, barbichette, cheveux longs et blonds, visage pâle d'un typique caucasien.

«Je suis né musulman aux États-Unis. Avant ma naissance, mes parents s'étaient convertis au soufisme, une branche de l'islam qui va au fond des choses plutôt que de ne s'en tenir qu'aux rituels prescrits par notre religion - les prières du jour, par exemple», explique Ali Al Mujahid.

Sauf exception, les musiciens et musiciennes de Debu vivent aux limites méridionales de Jakarta avec leur famille élargie. Formée d'une soixantaine de personnes, cette communauté soufie y occupe plusieurs unités de logements d'un vaste complexe immobilier. Le clan compte sur un leader spirituel, Shaykh Fattaah. Originaire de Portland, Maine, le maître soufi parle 13 langues dont 9 sont reprises par le groupe sur leurs 5 albums enregistrés jusqu'à ce jour - anglais, indonésien, turc, espagnol, italien, chinois, hindi, perse, arabe.

Passés de l'Ouest à l'Est, ces Américains en quête d'une autre existence ont trouvé le salut dans la culture pop émergente d'Indonésie.

Ali Al Mujahid refait le tracé de cette étonnante communauté. «Nous venons de différentes régions des États-Unis, sauf les membres plus récents de la famille qui sont natifs d'Indonésie. Je suis originaire du Michigan, un autre vient du Texas, d'autres de la Nouvelle-Angleterre, etc. Nous avons vécu dans différents États américains, mais nous avons aussi résidé trois ans en République dominicaine. C'est là, d'ailleurs, que notre aventure musicale a commencé, nous étions tous encouragés par la ferveur de Mustafa, notre chanteur.

«Puis nous sommes rentrés aux États-Unis pour y réaliser, au bout de six mois, que nous préférions vivre à l'extérieur de ce pays. Notre groupe, il faut dire, pouvait rebuter notre voisinage. Certains avaient peur de notre différence, alors que nous sommes totalement pacifiques.»

Ainsi, en 1999, la famille élargie décidait de déménager ses pénates en Indonésie.

«Lorsque nous nous sommes installés là-bas, relate le bassiste, nous ne connaissions à peu près personne. Nous avons alors fait la rencontre d'un haut responsable d'une université de Makassar, dans l'île de Sulawesi. Pour honorer sa réputation d'institution musulmane, cette université voulait créer un centre où chaque étudiant devait passer plusieurs semaines afin d'y réapprendre la pratique de l'islam. Vu la difficulté de trouver des professeurs volontaires là-bas, on nous a proposé ce travail que nous avons accepté. Nous y avons passé deux ans.

«Nous y avons enseigné l'Islam à des jeunes avec qui nous chantions, l'après-midi, en s'accompagnant d'instruments. Leur réaction fut tellement fervente que nous avons envisagé cette activité musicale comme projet de vie. En 2000, nous nous sommes mis à l'étude de la musique. Certains d'entre nous ont gradué de facultés indonésiennes, mais la plupart ont suivi une démarche autodidacte, mais sérieuse.»

Les influences de Debu sont diverses, du flamenco aux musiques indiennes en passant par les arabisantes et les indonésiennes, le tout décliné avec une attitude pop. Lorsque, toutefois, on pige les textes écrits intégralement par le maître spirituel du clan soufi, le point de vue qui s'en dégage ne ment pas.

Doit-on comparer cette approche à celle de Yusuf Islam, autrefois connu sous le nom de Cat Stevens? Ali Al Mujahid hausse les épaules, signifiant ainsi que la comparaison est douteuse. «Sa musique est peu connue en Indonésie... Nous le connaissons, cependant; je l'ai même déjà rencontré...»

Notre interviewé, en fait, se défend bien de faire dans le prosélytisme religieux avec ses collègues de Debu.

«Vous savez, ce qu'on chante généralement, c'est l'amour. Nous nous identifions à la pop culture, nous ne voulons surtout pas être confinés à une catégorie de musique religieuse. Nous sommes des musulmans qui font de la musique. Nous sommes des artistes! Nous n'essayons pas de convertir quiconque, bien que notre passion et notre intériorité soient forcément liées à nos croyances spirituelles. Mais non, nous ne sommes pas en mission.»

Debu, sous la bannière Les Cowboys Soufis, assure demain la clôture du FMA, au Théâtre Maisonneuve, à 20h.