À l'instar de Jim Corcoran et de Damien Robitaille, Paul Cargnello est un auteur-compositeur «anglo» tombé en amour avec la langue de Molière, au point de se mettre à écrire ses chansons en français et d'y exceller. Résultat: après trois disques «in French», le nombre de fans du chanteur à lunettes s'est multiplié. Ils seront nombreux ce soir, au Lion d'or, où Cargnello se produit dans le cadre de Coup de coeur... francophone!

Quand il écrit ses chansons en français, Paul Cargnello a quelques dictionnaires et le Bescherelle sous la main. Mais franchement, Cargnello s'exprime en français au moins aussi bien que vous et moi, délicieux accent brit en plus.

«Une langue est toujours plus belle avec un accent, dit-il en riant. Et aussi quand elle est écrite par quelqu'un qui ne la maîtrise pas, finalement: Joseph Conrad était polonais, mais il écrivait ses romans en anglais, donc avec un recul, une perspective et une sensibilité qu'un Anglo-Saxon ne pouvait pas avoir.» C'est aussi parce que ce n'est pas leur langue maternelle qu'Aznavour et Moustaki écrivent si bien en français.

Un brin hyperactif, Cargnello a conçu sept albums en sept ans - plus un huitième, baptisé La reine contre Paul Cargnello, qu'il donne quand on achète son septième, La course des loups, après son spectacle!

Depuis 2006, c'est donc en français qu'il les fait, que ce soit le bel album à saveur louisianaise Bras coupé et le tout récent La course..., très rock et funk, qui a engendré des tas de comparaisons avec The Clash et Jean Leloup. «Pour La course..., j'ai écrit pour la première fois directement en français, explique le chanteur de 31 ans, sans cut and paste ni adaptation ou traduction. Ça fait longtemps que j'écris des chansons et j'aime ça, les défis. Écrire en français, c'est un défi, mais c'est surtout une façon de m'obliger à prendre mon temps pour écrire. En anglais, ça coule. En français, ça travaille.»

Angle intime

Cargnello n'a jamais fait dans le «petit sujet». La course des loups a pour thème l'amour au temps du capitalisme! Ça pourrait être lourd. Or, c'est étonnamment accrocheur, alors qu'il y est question de pauvreté et de cynisme. Le secret? C'est toujours écrit à partir d'un angle personnel, intime. Et sur des musiques méchamment faites pour danser!

«Mais c'est le plus important, qu'on danse, s'exclame-t-il. On est engagé intellectuellement et physiquement quand on danse, c'est une expérience totale - le cul comprend aussi la musique, explique-t-il avec emportement. Il faut mélanger les deux priorités, danser et penser.»

Amalgame organique

En spectacle, difficile de ne pas succomber à l'amalgame très organique de rock, punk, funk, ska et... folk de Cargnello. Un amalgame qui prend appui sur sa principale influence: le blues. «C'est une musique que j'ai découverte à l'adolescence, par moi-même, c'est mes racines, mais j'ai juste peur d'être un autre homme blanc qui vole la musique noire. Le blues est né du sang des esclaves, et leur douleur a accouché d'un bébé tellement incroyable...»

Cargnello n'a pas à s'inquiéter. Il fait de la musique pour les bonnes raisons. Et ce soir, outre son répertoire en français, il interprétera une chanson avec Isabelle Blais, de Caïman Fu (qui fait la première partie du spectacle), et une autre avec le rappeur Karma Atchykah: «Karma a pris le beat de ma chanson L'amour pour les amoureux, et il l'a utilisé pour sa chanson Ne pleure pas. Ça donne un super blues hip-hop. En français!»

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Paul Cargnello et Caïman Fu, ce soir, 20 h 30, au Lion d'or. En tournée au Québec: paulcargnello.com