Hormis cette double flûte appelée ney-jafti, Saeid Shanbehzadeh joue le ney-e-anbân, une cornemuse ancestrale jouée par les confréries noires islamisées du Golfe Persique.

« Je ne suis pas religieux. Je vis pour la musique et la paix, j'évite la religion et les idéologies. C'est ainsi que j'ai grandi », tient à préciser le musicien dont la formation se produit ce vendredi au Festival du monde arabe.

Originaire de Boushehr, une ville portuaire située dans la partie méridionale de l'Iran, le musicien ne se définit ni comme perse, ni arabe, ni africain, ni religieux. Iranien suffit amplement.

« Le Sud de mon pays est totalement différent de sa partie centrale. Depuis toujours, Boushehr est un carrefour de différentes races et nationalités. Ainsi, mes propres racines sont multiples: africaines, arabes, perses, indiennes,etc. Il n'y a ni hiérarchie raciale ni racisme dans cette région, chacun est citoyen à part égale. »

La musique que vient présenter Saeid Shanbehzadeh à Montréal est clairement patrimoniale.

« Tous les moments importants de l'existence y sont illustrés. Comme dans toutes les sociétés traditionnelles, nos cérémonies comportent des musiques pour chaque occasion: naissance, mariage, deuil, récoltes, etc. Dans cette optique traditionnelle, les instruments qu'on utilise sont très spéciaux et très anciens, plusieurs proviennent même de Mésopotamie. Ainsi, nous avons la double flûte ney-jafti, la cornemuse ney-e-anbân. Le tambour dammam et la darbouka ont des racines africaines, d'autres ont des origines juives comme la corne shofar, il y a aussi le le zarab iranien qui est un autre instrument de percussion. De plus, nos chants ont des ornementations particulières; les motifs y puisent à la fois dans les cultures arabes, perses et indiennes.»

Impliqué dans des compagnies de danse, et aussi dans le world jazz (collaboration notoires avec les batteurs Billy Cobham et Steve Smith), Saeid Shanbehzadeh  tient à maintenir intacte cette tradition lorsqu'il se produit avec l'ensemble dont il assure la direction.

« Je veux présenter tous les aspects de notre patrimoine encore très mal connu dans le monde. C'est pourquoi mon ensemble tourne beaucoup, à tel point qu'il a a donné un nouveau souffle à notre musique et à plusieurs de ses interprètes qu'on était en train d'oublier. Une renaissance, en quelque sorte.»

À Montréal, l'ensemble de Saeid Shanbehzadeh sera composé de trois musiciens: son fils Naghib aux percussions, son vieil ami Habib aux percussions, à la flûte traversière de bambou et au chant, sans compter le leader à la double flûte et à la cornemuse.  « Il faut  jouer cet instrument en dansant, tradition oblige. Or,  la danse est proscrite par le gouvernement actuel », soupire notre interviewé.

Pour des raisons évidentes, Saeid ne vit plus dans son pays.

«Je suis installé à Paris avec femme et enfants, je ne suis pas retourné en Iran depuis cinq ans. Si je m'y présente, je risque d'avoir des problèmes. Habib, lui, y était retourné après que notre musique ait été télédiffusée à travers le monde.  Le gouvernement iranien a considéré à tort que cette musique s'inscrivait contre le régime et Habib fut interdit de sortir du pays pendant quatre ans. Je n'y retournerai donc pas.»

Jusqu'à quand ?

« Lorsqu'on étudie l'Histoire, répond-il, on réalise que les régimes totalitaires ne durent pas. Vous savez, la société iranienne est beaucoup plus ouverte que l'image projetée par le régime actuel. En tant qu'Iranien, d'ailleurs, j'ai souvent du mal à me faire accepter; tant de gens font erreur sur la personne en m'associant à un régime autoritaire et ultra-religieux. On s'étonne même que je sois musicien, alors que c'est ancré profondément dans ma culture. »

L'ensemble de Saeid Shanbehzadeh se produit ce vendredi, 20h, la 5e Salle de la PdA dans le cadre du Festival du monde arabe.