Nous montons les marches qui craquent pour atteindre le troisième étage de l'édifice du boulevard Saint-Laurent. Il y a quatre chambres, une douche et même un petit hall d'entrée. Nous sommes dans l'hôtel Popolo, en haut de la Casa del Popolo, un hôtel presque clandestin puisqu'il est réservé aux musiciens qui se produisent à la Casa, ou juste en face, à la Sala Rossa.

L'hôtel appartient aux propriétaires de la Casa, Mauro Pezzente et sa femme Kiva Stimac. Mais notre guide est Meyer Billurcu, un des cofondateurs du promoteur de spectacles indépendant Blue Skies Turn Black.

L'hôtel Popolo est une sorte de hostel bon marché qui facilite la vie des artistes en tournée, nous explique-t-il.

Pour les petits groupes indépendants, la vie de tournée, ce n'est pas synonyme de partys et de grands hôtels, comme dans le film Almost Famous. C'est plutôt un voyage où l'on dort où l'on peut, avec les 150 $ par spectacle que l'on se partage à la gang. «Je dirais que 99 % des tournées sont difficiles», indique Meyer Billurcu.

L'hôtel Popolo et la cuisine végétarienne de la Casa permettent justement aux artistes de dormir et de manger pour presque rien (le coût des chambres est d'environ 40 $). Pour les groupes fauchés qui dorment dans leur camionnette de tournée, «c'est un gros plus» quand vient le temps de les convaincre de passer par Montréal, indique Meyer Billircu. Et en fin de compte, c'est le public montréalais qui en profite.

Poumon de l'underground

En produisant plus de 200 spectacles par année, Blue Skies Turn Black est l'un des poumons de la scène underground à Montréal; la Sala et la Casa sont - justement - ses «résidences principales». «Nous organisons 75 % de nos spectacles à la Casa ou à la Sala», indique Meyer Billircu, dont l'expression du visage fait penser à Jean Leloup.

Meyer Billurcu et Brian Neuman avaient une émission à la radio étudiante de Concordia quand ils ont accepté l'offre du patron de l'étiquette de The Mintaka Conspiracy de prendre la relève du label, au début des années 2000. «C'est lui qui avait sorti les deux premiers albums de Patrick Watson et We Are Wolves», raconte Meyer Billurcu, qui se souvient d'avoir reçu des appels de The Dears et de Stars à l'époque. «Pendant quelques années, nous voulions surtout être une étiquette de disque et non des promoteurs de shows.»

C'est surtout pour apporter de l'eau au moulin que Meyer et Brian organisaient des spectacles au bar Fly et au Jupiter Room. Au départ, ce sont eux qui devaient prendre contact avec les groupes, mais graduellement, cela a été l'inverse. «Nous étions naïfs, raconte Meyer Billurcu. Nous faisions des spectacles pour 5 $ ou 6 $, mais il y avait 100 personnes et les groupes étaient super contents.»

Imaginez: en 2002, Meyer et Brian ont produit un spectacle de Sufjan Stevens, avec Arcade Fire en première partie. Un autre bon coup a été Modest Mouse au Théâtre Rialto, en 2004. Et puis il y a eu le buzz avec Arcade Fire, qui a fait de Montréal le «nouveau Seattle». Et du jour au lendemain, BSTB produisait les spectacles de groupes locaux suscitant un grand intérêt à l'international comme Wolf Parade, Stars et les Besnard Lakes. Un grand coup a par ailleurs été les deux spectacles qu'Arcade Fire a donnés à l'aréna Maurice-Richard en 2007.

Mais n'allez pas dire à Meyer Billircu que Blue Skies Turn Black est devenu big. «Ça fait juste deux ans que je ne travaille plus chez HMV», explique celui qui a aujourd'hui 33 ans.

Promoteur important

N'empêche, BSTB est pratiquement le seul promoteur important de spectacles indie-rock anglophones à Montréal, mis à part le «géant» evenko et son fidèle partenaire Greenland. Pop Montréal ne produit qu'une poignée de spectacles en dehors de son festival annuel, alors que la niche d'I Love Neon est surtout électronique.

Est-ce que BSTB et evenko sont des compétiteurs? «Il y a un respect entre les promoteurs à Montréal», répond Meyer Billircu. Quand la programmation de BSTB a pris de l'ampleur, il y a eu une rencontre avec les gens d'evenko - GEG à l'époque - et les deux parties ont convenu de ne pas se piler sur les pieds et de ne pas se «voler des clients», ou encore de coproduire des spectacles, comme celui de Die Antwoord hier soir.

La recette du succès BSTB? «Pour être un bon promoteur, il faut aimer la musique, répond simplement Meyer Billircu. Moi, je vais voir encore plein de shows et je m'achète beaucoup de disques.»

En tout cas, si la scène musicale indépendante montréalaise est en bonne santé, c'est en grande partie à cause de BSTB.

Suggestion de la semaine

HUMANS. Le titre de son EP sorti il y a deux semaines, Avec mes mecs, est en français, mais Humans vient de la Colombie-Britannique et chante surtout en anglais. Avec son électro-rock minimaliste et la voix relâchée de son chanteur, la musique de Humans se démarque par l'urgence dansante de ses mélodies et de ses arrangements. La piècetitre de l'EP est tout simplement une bombe. En spectacle à Montréal aux 3 Minots, le 12 novembre. www.myspace.com/dashumans

Sorties de la semaine



> Tout est bien, de Robert Charlebois

> Premier baiser, de Marie-Chantal Toupin

> S'il n'y avait pas toi, de Julie Bélanger

> La garde, d'Alexandre Désilets

> Les filles de Caleb (artistes variés dont Luce Dufault et Daniel Boucher)

> Au coeur de la tempête, de Caya

> Speak Now, de Taylor Swift

> Fire Works, de The Sainte Catherines

> Remember Today, de Roads

> The Fool, de Warpaint

> Tiger Suit, de KT Tunstall

En rafale



> Les Beastie Boys ont «suspendu indéfiniment» la sortie de l'album Hot Sauce Committee Part 1, qui avait été repoussée à cause du combat contre le cancer d'Adam Yauch. Mais le trio a annoncé sur son site internet que sa suite, Hot Sauce Committee Part 2, sortira comme prévu au printemps 2011.

> Lady Gaga et Elton John feront un duo pour la trame sonore du film d'animation Gnomeo and Juliet, qui sortira en salle le 11 février. Leur chanson s'intitulera Hello, Hello.

> Accompagné de Darius Rucker et Jerrod Niemann, le chanteur country Brad Paisley se produira pour une première fois à Montréal au Centre Bell en formule théâtre, le 29 janvier. Billets en vente à partir de samedi