Depuis 2006, Mario Pelchat semble s'être multiplié: producteur de disques (de Nadja, Cindy Daniel, Éric Drapeau...), interprète (avec Michel Legrand, ce qui lui a valu un Félix l'an dernier, ou avec Marjo), concepteur (des disques Quand le country dit bonjour...), chanteur de comédie musicale (dans Don Juan) et désormais propriétaire d'un vignoble! Et le Mario Pelchat auteur-compositeur-interprète, alors? Il lançait un nouvel album cette semaine.

Qu'est-ce que tu écoutes, ces temps-ci, Mario? C'est une question qu'il faut toujours poser à Pelchat en entrevue, tant elle révèle l'intérêt tous azimuts que le beau gars de 46 ans porte à la musique: «Cette semaine, j'écoute non stop le disque du Français Gérard Berliner, Mon alter Hugo, répond-il avec ferveur. Berliner a mis en musique des poèmes de Victor Hugo, j'ai vu son spectacle à Paris, piano-voix, c'était tellement beau... Et Berliner vient tout juste de mourir (le 12 octobre), à l'âge de 54 ans...» Étonnant, hein? Car moi non plus, je ne connais pas Berliner. Mais je vais aller l'écouter, Pelchat étant un bien bon «pusher de musique» ...

Et un chanteur qui sait ce qu'il doit faire pour plaire à son public sans pour autant se pasticher lui-même, comme en témoigne ce nouvel album, son 14e, Toujours de nous, composé de chansons inédites (dont six signées Pelchat) qui ont pour titre Je serai le même, Le bonheur, Le sourire au coeur, La plus belle histoire...

C'est bel et bien du Mario Pelchat, mais au goût du jour: voix un peu plus haute, arrangements très fouillés, son plein et rond, plusieurs chansons plutôt up tempo. «C'est vrai que je chante peut-être un peu plus haut, moins «crooner», dit-il. Mais je sais aussi que ma marque de commerce, c'est d'être capable de pousser ma voix, alors j'ai essayé de mêler tout cela et de redécouvrir de quoi j'étais capable. Je ne veux pas me répéter, mais je veux aussi être fidèle à mon public, parce que j'ai le privilège d'avoir un public depuis 30 ans. Je n'avais pas besoin de faire un disque, mais j'ai le goût de la scène, ça me manque terriblement...» D'où la grande tournée du Québec à compter de janvier prochain, pour marquer à la fois la sortie de l'album et ses trois décennies de carrière.

Explorer sans se renier

Pour explorer sans se renier, il a fait appel à deux réalisateurs: d'une part le chevronné Tino Izzo, avec qui Pelchat a souvent travaillé depuis 17 ans et qui a réalisé quatre chansons sur l'album; d'autre part, le nouveau venu Steve Marin, auteur-compositeur qui a collaboré aux derniers disques d'Isabelle Boulay et d'Annie Blanchard, et réalisateur des huit autres chansons (épaulé par Peter Ranallo et Hugo Perreault).

«Une chanson comme Le sourire au coeur (écrite par Pelchat et Marin) a une légèreté que je ne me permettais pas toujours, reprend-il, disons que ce n'est pas Pleurs dans la pluie! Mais ça fait un équilibre avec des chansons plus dramatiques comme Je serai le même, qui est inspirée de plusieurs de mes proches qui sont décédés jeunes. C'était la première fois que je réalisais qu'on pouvait perdre son conjoint à 29 ans...»

«Quand j'ai rencontré Steve Marin la première fois chez lui, poursuit-il, sa cafetière a explosé littéralement deux fois: je lui ai dit de me donner un jus d'orange, c'était ben correct! Il y a de ça dans l'album, des petites explosions et du soleil.»

Et il y a aussi un Pelchat qui assume profondément ce qu'il est, par exemple dans La plus belle histoire, dont il signe texte et musique: «Ça fait 25 ans que je veux l'écrire, cette chanson, sur le fait de croire, d'avoir la foi. Je sais que tout le monde n'est pas croyant, c'est pour eux, la dernière phrase du texte. Mais j'ai presque 47 ans, là, là, je ne suis plus un ti-cul, j'ai le droit à mon opinion.» Pelchat a dit «là, là» avec l'accent du Lac-Saint-Jean. Le Lac, qu'il a quitté à 17 ans pour s'installer à Montréal: «La chanson Mon retour, qui parle d'exil, c'est de ça qu'elle est faite, quand ça me coûtait plus de 300$ par mois de téléphone parce que je m'ennuyais de ma famille».

Et si on parlait du nouveau lac dans sa vie, celui des Deux-Montagnes, près duquel Pelchat a désormais un vignoble? «Pas eu le choix, dit-il en riant aux éclats, je pensais qu'on pouvait se bâtir une maison sur une terre agricole et, non, on ne peut pas, on doit faire de l'agriculture! Alors, j'ai décidé de faire un vignoble, un champ de vignes.»

Pelchat a suivi assidûment le cours de l'oenologue Jean-Paul Martin, a déjà planté 3000 ceps, en plantera 3000 autres l'an prochain - son père et son frère sont justement en train de superviser la construction du bâtiment agricole... «Le vin, conclut-il, c'est comme la musique, c'est convivial, ça accompagne un repas, une rencontre.» Et ça met souvent le sourire au coeur.