Pour la sortie de son nouvel album, Americana, Roch Voisine revient sur ses influences, sa carrière et sa passion pour le country.

Il vient de là, il vient du country. Ou plutôt d'Edmundston, sa ville natale bercée par la musique folk. Sans doute en a-t-il gardé l'allure avec ses santiags, son jean et ses cheveux bruns, un poil gominés. Vingt-cinq années séparent son plus récent album Americana de son célèbre tube Hélène. Si les années passent, son regard sombre caché derrière un vague air mutin reste intact.

Johnny Cash, Willie Nelson, Steve Goodman se retrouvent dans cet opus enregistré dans la terre du country, Nashville. «C'est mon quatrième enregistrement dans ces studios mythiques. Là-bas, tu ne parles pas, tu écoutes les musiciens et puis tu chantes: le résultat est unique et procure un plaisir immense.»

Le virage vers cette musique semble soudain, mais l'artiste avoue y penser depuis des années: «Certains textes comme La berceuse du petit diable dans l'album Double annonçaient déjà ce changement», raconte t-il.

Si se lancer dans le country s'avère périlleux, Roch Voisine n'hésite pas: «Il faut être honnête pour que l'album plaise au public. Un artiste doit savoir prendre des risques, surtout quand il se lance seul.» Il voulait que son public puisse s'identifier aux chansons et ne pas perdre son auditoire en misant sur des titres choisis en accord avec les réalisateurs de l'album, Nathan Chapman, Chad Carlson (superviseur de la bande originale du film de James Mangold, Walk the Line avec Joaquin Phoenix) et sa maison de disques, Sony.

Pour «rappeler aux auditeurs que la culture du country est associée à d'autres voix et même des tubes», il entame son album avec un air bien connu de Joe Dassin, Salut les amoureux, dont l'original City Of New Orleans est de Steve Goodman. La surprise est totale lorsqu'il reprend un titre de Dolly Parton, I Will Always Love You, souvent attribué à la chanteuse Whitney Houston!

Le public français, moins averti sur le «blues blanc» que les Québécois, s'est pourtant laissé happer par la guitare et la voix de l'artiste à la sortie d'Americana en 2008. Sans doute a-t-il été conquis par cette reprise du fameux Je t'appartiens de Gilbert Bécaud, Let It Be Me, dont la première partie est chantée en anglais tandis que la seconde l'est en français.

Le succès aidant, une trilogie (terminée par la sortie française de California cet été) est venue s'ajouter au premier album. Americana 2 a été récompensé par un album d'or, puis l'artiste a enchaîné plusieurs concerts en terre francophone -sa tournée québécoise est prévue en février 2011.

«De temps en temps, j'aime interpréter les chansons des autres même si le vrai plaisir, c'est d'écrire, d'enregistrer et de jouer», confie-t-il. Une vingtaine d'albums plus tard, malgré un succès phénoménal en 1989, il pense toujours qu'«une partie de (lui) n'est pas forcément faite pour ce métier». Il parle d'un sommet, de rendez-vous manqués et d'une chute: «Après un triomphe, il y a toujours une traversée du désert.» Bien sûr, il y a des regrets - «dont je n'ai pas gardé la liste» -, explique-t-il avec le sourire.

De la scène et du chant, il connaissait peu de chose hormis une émission de télévision Top Jeunesse qu'il animait à TQS. Son métier, il l'a appris sur le tas. Aujourd'hui, il est chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres, possède sa statue de cire au musée Grévin, un doctorat honoris causa en musique de l'Université de Moncton et sa musique s'est vendue à des millions d'exemplaires. Lui qui rêvait d'être Neil Diamond chante une reprise des Red Hot Chili Peppers dans le dernier album de Santana, Guitar Heaven (en magasin mardi prochain). « Une mini consécration». Et non des moindres.