Le pianiste de jazz cubain Chucho Valdés se lance à 69 ans dans l'aventure d'un nouveau groupe, baptisé les Afro-Cuban Messengers en référence aux Jazz Messengers d'Art Blakey, avec lequel l'ex-leader du groupe Irakere publie Chucho's Steps, son premier disque en formation depuis 2003.

Le batteur américain «Art Blakey a été ma première influence, avec Horace Silver, qui était son pianiste», a confié à l'AFP Chucho Valdés, qui sera mardi à Paris (festival Jazz à La Villette) l'invité, avec quelques-uns de ses musiciens, du saxophoniste de jazz Archie Shepp pour une rencontre inédite.

«Son groupe était une école qui a révélé beaucoup de talents», poursuit l'initiateur à Cuba d'un jazz contemporain imprégné des rythmes de la «santeria» (religion originaire des caraïbes, rituel yoruba) avec Irakere, fondé en 1972.

Si le musicien américain Keith Jarrett s'est révélé au sein des Jazz Messengers, le groupe Irakere, porte-drapeau du jazz cubain pendant un quart de siècle, a fait éclore le saxophoniste cubain Paquito D'Rivera ou le trompettiste Arturo Sandoval.

«Le jazz afro-cubain a été inventé par (les trompettistes) Mario Bauza, Dizzy Gillespie et (le percussionniste) Chano Pozo», souligne Chucho Valdés. «Moi, je suis arrivé vingt ans plus tard, j'ai pris des éléments religieux de la santeria qui n'avaient pas encore été utilisés, avec le chékéré, les tambours bata, arara, abaqua...».

Telle fut l'identité musicale d'Irakere, qui est aussi celle des Afro-Cuban Messengers.

Dans «Chucho's Steps» (référence au «Giants Steps» de John Coltrane), Chucho Valdés aborde avec une belle complexité dans des compositions à rebondissements les diverses formes du jazz contemporain: hard bop, free jazz, jazz modal, sur un riche tapis de percussions.

Pour cet hommage éclatant, où son style vertigineux, son lyrisme, s'expriment pleinement, il a rassemblé quelques nouveaux talents de la scène cubaine du jazz.

«Le principe était de donner les nouvelles bases de la musique afro-cubaine et en même temps de rendre hommage aux grands noms du jazz. Il y a des combinaisons rythmiques très différentes, avec l'héritage de notre culture yoruba», explique Chucho Valdés.

Après avoir fréquenté dans des big-bands les scènes des grands hôtels en vogue (Riviera, Capri, Nacional...), il fonde en 1967 l'«Orquesta Cubana de musica moderna», alors que le mot jazz est tabou à Cuba. Puis ce sera l'aventure Irakere, qui demeure la référence absolue de fusion jazz/percussions afro-cubaines d'origine yoruba.

Depuis la fin des années 90 et la mort du groupe, il privilégiait sa carrière de soliste, l'art du duo (avec son père Bebo Valdés, le pianiste américain Herbie Hancock, le compositeur français Michel Legrand ou le pianiste d'origine dominicaine Michel Camilo) et l'accompagnement de chanteurs (l'espagnole d'origine équato-guinéenne Buika ou le français Charles Aznavour...)

«Je ne voulais pas refaire quelque chose que j'avais déjà fait», a confié ce géant du jazz cubain, qui franchit dans Chucho's Steps (Harmonia Mundi) une nouvelle étape, en amenant par exemple le danzon ou le mambo sur le terrain du jazz modal.