Si nous sommes nombreux à aimer notre poésie mise en chanson, c'est d'abord grâce à Chloé Sainte-Marie. C'est pour elle que, en 1998, Gilles Bélanger, jusque alors chansonnier (il a écrit quelque 200 chansons), décide de mettre en musique des poèmes de Gaston Miron.

Ceux-ci, aux côtés de textes d'autres poètes québécois, figurent sur le magnifique disque de Chloé Sainte-Marie Je pleure, tu pleures (1999), qui connaît un véritable succès public et critique. Elle lance ensuite Je marche à toi, de nouveau avec des poèmes de Miron sur des musiques de Bélanger, et le succès ne se dément pas - l'album remportera même le Félix de l'album folk.

Chloé Sainte-Marie décide alors de partir en tournée et engage pour cela deux musiciens, des multi-instrumentistes virtuoses: Yves Savard et Louis-Jean Cormier. C'est à l'occasion de cette tournée que Bélanger et Cormier deviennent amis.

«Je viens de la Gaspésie et la mère de Louis-Jean aussi», explique Bélanger avec chaleur, ça doit jouer entre nous. «Et c'est grâce à lui si Douze hommes rapaillés a vu le jour: je me doute bien que si j'avais fait un disque «Gilles Bélanger chante Miron», ça n'aurait pas eu grand écho. Mais quand Louis-Jean a accepté d'être le réalisateur et l'arrangeur d'un disque collectif autour des poèmes de Miron, tout s'est mis à rouler. Je l'appelle le «magnifieur de chansons». Il fait quelque chose de superbe chaque fois que mes musiques passent dans son tordeur. Sincèrement, sur le second album, on aurait pu signer les musiques à deux tellement il les a poussées plus loin, mais il ne le voulait pas.»

L'idée de départ de Bélanger, soit interpréter lui-même Miron, n'est pas pour autant morte: ce soir même, à Saint-Venant-de-Paquette, il présentera son spectacle L'homme rapaillé en chansons, comme il le fera d'ailleurs tout l'automne un peu partout au Québec (dont à l'Astral de Montréal le 14 octobre et le 30 au Petit-Champlain de Québec). Et qui l'accompagne sur scène pour ce spectacle regroupant les 24 poèmes du grand Gaston qu'il a mis en musique, en chanson? Le guitariste Yves Savard.

La mise en scène de ce spectacle intime, il l'a confiée à Marc Béland, qui a conçu le superbe spectacle Douze hommes rapaillés. «On peut amener ce spectacle partout. D'ailleurs, la première fois que j'ai chanté en solo du Miron, c'était au Cameroun, en décembre 2009, et c'était quelque chose», explique le compositeur-instrumentiste, qui fait de la musique tous les jours, à l'accordéon, à la guitare, au piano, à l'harmonica, etc.

Quatre ou cinq ans avant la mort de Miron, en 1996, Bélanger avait chanté ses propres chansons sur scène lors d'un spectacle auquel participait également le poète. Mais dès 1972, le chansonnier avait intitulé son spectacle Chansons pour tout un chacun. Tout un chacun, c'est le titre d'un des grands poèmes de Miron: «Je ne sais pas si Miron nous voit, s'il nous entend, conclut Bélanger. Je sais juste que, grâce à lui, j'ai la chance extraordinaire, à 63 ans, de le chanter et de travailler sur ses textes, entouré de plus jeunes artistes.»