À la mi-vingtaine, Katie Melua en est déjà à son quatrième album. Un disque, The House, que la chanteuse d'origine géorgienne établie en Angleterre, championne des ventes en Europe, qualifie de «second début». Rencontre avec une jeune femme qui sait où elle s'en va.

Katie Melua n'a que des bons mots pour son mentor Mike Batt et elle trouve même injuste que ses disques précédents n'aient pas été signés de leurs deux noms. Mais comme elle l'avait annoncé il y a deux ans, son nouvel album, The House, n'est pas réalisé par Batt, qui y joue un rôle effacé. «Nous avions fait trois albums ensemble et il était temps de changer, dit-elle tout simplement. Je pense que Mike a trouvé ça difficile, mais ce n'est pas une rupture puisqu'il demeure mon imprésario et le patron de ma maison de disques.»

Il se dégage de cette jeune femme une assurance étonnante que n'avaient peut-être pas perçue ceux qui craignaient que sa relation professionnelle avec Batt l'empêche de s'épanouir. Tout ce qu'elle dit donne l'impression d'avoir été mûrement réfléchi et elle ne patauge surtout pas dans les clichés. Quand elle souligne qu'elle a hâte de renouer avec le public montréalais, le 11 septembre à Wilfrid-Pelletier, ce n'est pas un calcul stratégique de la part d'une chanteuse qui y voit une rampe de lancement vers le marché américain, mais l'expression du plaisir réel qu'elle aura de chanter pour ceux qui l'ont adoptée avant tout le monde en Amérique du Nord.

D'autant plus qu'elle aura dans ses valises «un disque différent, avec toutes sortes de styles de musique». La réalisation de The House a été confiée à William Orbit, qui a relancé la carrière de Madonna avec Ray of Light, mais qui avait fait une croix sur cette facette du métier avant de se laisser séduire par les chansons de Katie Melua. Quand son nom a été suggéré, la chanteuse n'osait pas trop y croire et elle a relégué au second plan sa quête d'un réalisateur pour se consacrer à l'écriture de ses chansons.

«Quand j'ai eu fini d'écrire, on en a envoyé quelques-unes à William, raconte-t-elle. J'étais un peu hésitante parce que je ne voulais pas donner dans le genre de musique dance d'aréna et perdre mon identité. Mais la première fois que je lui ai parlé, il m'a dit que de toutes les maquettes qu'on lui avait envoyées, c'était la chanson I'd Love To Kill You qu'il préférait, une chanson intime, très personnelle dont je savais qu'il ne voudrait pas la transformer en chanson dance. Puis on s'est rencontrés, je lui ai joué du blues et j'ai constaté qu'il aimait vraiment le blues.»

Une seule écoute de The House vous convaincra que ce n'est pas un disque de William Orbit. Katie Melua y prend toute la place: ce sont des chansons bien à elle, sur une palette musicale élargie à laquelle Orbit a contribué quelques couches qui ne sont jamais envahissantes. «Mais je ne veux surtout pas diminuer son apport parce qu'il a donné à l'album la cohésion dont il avait besoin», insiste la chanteuse

Autre signe évident de maturation, Melua signe, seule ou avec d'autres, 11 des 12 chansons de The House, l'exception étant un emprunt étonnant au pionnier du bluegrass, Bill Monroe: The One I Love Is Gone. Un texte d'une simplicité déroutante qui va droit au coeur, mais un choix très révélateur pour une jeune femme dont l'écriture est de plus en plus maîtrisée. «Je ne voulais pas faire de reprise sur cet album, mais cette chanson habitait mon esprit, ma bouche, mon coeur», confie-t-elle.

Elle me raconte la genèse de I'd Love To Kill You, une ballade sur le thème du meurtre écrite avec Guy Chambers, grand complice de la vedette britannique Robbie Williams: «Dès que Guy a lancé la phrase I'd Love To Kill You, je savais exactement de quoi parlerait la chanson. Donc j'ai plongé. Il me suggérait des lignes, mais je disais «non, ce n'est pas ça», jusqu'à ce qu'il soit capable de vivre cette chanson. Pourtant, elle demeure très personnelle: je n'ai jamais dit à Guy de qui ça parlait.»

Mais Katie Melua est surtout fière de The House, qu'elle a écrite seule et qui a donné son nom à l'album. Une chanson mystérieuse, très atmosphérique et vaguement menaçante où la protagoniste donne l'impression de pénétrer dans une maison hantée: «C'est probablement la chanson la plus importante de l'album, mais ce n'est pas la plus évidente. C'est celle qui a lancé tout le travail des deux dernières années et ma transformation en tant qu'artiste», dit-elle.

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Katie Melua, à la salle Wilfrid-Pelletier, le 11 septembre.