Les 17es FrancoFolies belges ont commencé mercredi dernier, jour de la fête nationale, placée sous le signe des tumultes politiques qui menacent l'unité du pays. Mais pas un mot de tout ça dans les rues de Spa, pavoisées de noir-jaune-rouge. Après une journée inaugurale colorée, un jeudi soir trop chargé proposait le meilleur de toute la programmation, dont notre Coeur de Pirate et le trop rare Jacques Dutronc.

Ouille, ouille, ouille, ouille, répètent les Wallons dans de telles circonstances. Où donner de la tête? Il faudrait bien entendre la révélation belge Coco Royal, que l'on compare à Patrick Watson, mais ça nous ampute du temps devant Yann Perreau (troisième visite à Spa), qui a ramé fort pour arracher aux Spadois toute l'attention qu'il commandait sur une scène extérieure du parc de Sept-Heures... Et manquer encore les démoniaques Sexy Sushis, parce que Dutronc officie au même moment? Tant pis pour la relève.

Mais d'abord, Coeur de Pirate. Le phénomène, dit-on. «L'une des têtes d'affiche de ces 17es FrancoFolies», qui présentent aussi Renan Luce, Alain Souchon et Christophe Willem, insiste la RTBF. Ici, on ne manque pas de superlatifs pour qualifier la jeune tatouée.

Deux heures avant son concert, Béatrice Martin se pliait un peu nonchalamment à l'exercice d'une conférence de presse au cours de laquelle elle nous a gentiment corrigé: «Je crois que j'ai donné plus de trois concerts en Belgique dans la dernière année. Oui, j'essaie de leur donner quelque chose de différent à entendre - j'ai au moins cinq nouvelles chansons» qui paraîtront sur le prochain album. Date de sortie avancée par la musicienne? Fin 2011. Soyez patients.

Cris et hurlements lorsqu'elle s'amène au piano, sur le coup de 22h, plage de clôture de la journée au Village FrancoFou. Des milliers de bras s'étirent pour prendre des photos avec le cellulaire. De 7 à 77 ans, on chante avec elle les paroles de Comme des enfants, Francis ou Pour un infidèle. Bon concert sous un ciel étoilé - pour ce qu'on en a vu puisqu'il fallait filer, Dutronc nous attendait 30 minutes plus tard.

Le gentleman cambrioleur

Un projecteur s'est d'abord braqué à gauche de l'immense scène Pierre-Rapsat, où Dutronc était carré dans un fauteuil. Lunettes fumées, veston de cuir noir, sourire en coin, il s'est levé, puis, entouré de ses six musiciens (aussi tous vêtus de noir), il a lancé la soirée avec une rageuse version de Et moi, et moi, et moi. Jusqu'à la 20e chanson, il n'a pas arrêté de pleuvoir... des classiques.

Très rock quand il le fallait (On nous cache tout, on nous dit rien, La Fille du père Noël, L'opportuniste, Hymne à l'amour-moi l'noeud, Fais pas ci, fais pas ça, Les Cactus), charmant et valseur ailleurs (J'aime les Filles, Gentleman cambrioleur), Jacques Dutronc a été à la hauteur de sa légende, et sympa, drôle, plein d'esprit dans ses interventions parfois absurdes, comme lorsqu'il a invité une naine (parce que pour Dutronc, la rectitude politique, vous savez...), sa «mascotte Stéphanie», à venir nous raconter des blagues poches!

On en a eu des frissons toute la soirée, en particulier lorsque, très en voix, il a chanté Il est cinq heures, Paris s'éveille, version presque identique à l'originale qui nous a usé les tympans, avec la choriste qui se double d'une excellente flûtiste. Un mot: mémorable.

Les frais de ce séjour ont été payés par l'agence Wallonie-Bruxelles Musique.