Formé à l'occasion d'un festival de jazz tenu à Berlin en 1966, le Globe Unity Orchestra s'est avéré l'une des plus solides répliques européennes à cette New Thing américaine, plus communément nommée free jazz.

La commande d'un grand ensemble se consacrant à l'improvisation libre avait été passée au pianiste Alexander Von Schlippenbach. L'expérience fut concluante à un point tel que le Globe Unity Orchestra existe toujours, 44 ans plus tard. Et comprend plusieurs de ses membres d'origine, issus de plusieurs pays d'Europe et même d'Amérique.

 

Parmi les plus célèbres ayant vécu l'expérience de cet orchestre devenu incontournable, mentionnons les saxophonistes Evan Parker, Willem Breuker et Peter Brötzmann, les trompettistes Mandred Schoof et Kenny Wheeler, le batteur Paul Lovens, le tromboniste George Lewis. Des monuments du jazz contemporain.

Le Globe Unity Orchestra n'est venu qu'une fois à Montréal, soit dans les années 80 au Musée des beaux-arts. Joint en Allemagne peu avant son vol pour le Canada, Alexander Von Schlippenbach se souvient... et préfère se concentrer sur la tournée canadienne qui s'amorce demain aux Suoni per il Popolo.

«Nous avons toujours essayé de maintenir le noyau d'origine de l'orchestre, précise-t-il. Ce n'est pas un problème de convaincre tous ces collègues qui se connaissent depuis si longtemps. Le problème réside généralement dans leur disponibilité.»

Quant au langage préconisé par le G.U.O., son pianiste et leader croit qu'il a forcément évolué. «L'idée originelle était de jouer du free jazz avec plus d'une dizaine de musiciens; cette musique free n'était jouée alors que par de petites formations. Bien sûr, nous étions alors très influencés par Ornette Coleman, Cecil Taylor, etc. Or, en Amérique, nous ne trouvions pas d'équivalent à notre projet.»

Pour un grand ensemble free, en fait, il fallait prévoir une architecture capable d'accueillir cette musique improvisée.

«Dès le début, j'avais prévu certaines structures: jeu par section, interaction entre ces sections, consignes rythmiques, consignes sur la dynamique d'ensemble, thèmes d'ensemble élaborés sur des gammes à 12 tons, improvisations individuelles ou de l'orchestre entier, etc. À l'époque, c'était vraiment une nouvelle manière d'envisager le jazz. Par la suite, il nous est arrivé d'interpréter des compositions plus écrites. Or, depuis la fin des années 90, on fait essentiellement dans l'improvisation libre.»

Près d'un demi-siècle après les débuts du free-jazz, la démarche est-elle encore difficile à implanter? «Les musiques progressives, répond le pianiste, le sont toujours. Bien sûr, les formes libres peuvent admettre le meilleur comme le pire. Dans notre cas, l'accent fut mis davantage sur la personnalité et l'habileté des musiciens.»

Avec le temps, effectivement, les membres du Globe Unity Orchestra, un groupe à géométrie variable autour duquel évolue une communauté de jazzmen, ont appris à se connaître, si bien que les différentes règles de structures sont désormais appliquées ici et maintenant.

«Nous ne discutons pas énormément avant un concert, explique le leader. Tout est affaire d'impulsion. La forme a acquis une certaine stabilité, ce qui nous a permis d'en faire évoluer le langage improvisé. La beauté de la chose, c'est que ces structures finissent par émerger spontanément, sans consignes préalables.»

«Bien sûr, pense Schlippenbach, l'expérience du jeu commun et l'amélioration tangible des expressions individuelles ont rendu cette musique meilleure, plus intelligible. J'observe d'ailleurs qu'un nombre croissant de jeunes mélomanes s'y intéressent. Ainsi, nous avons le sentiment de contribuer à la grande tradition du jazz. Nous y avons notre place. Et nous devons continuer notre chemin tant et aussi longtemps que nous en serons capables.»

Le Globe Unity Orchestra se produit demain, 20h, à la Sala Rossa.

 

Seront sur scène

Alexander Von Schlippenbach, Evan Parker, Henrik Walsdorff, Gerd Dudek, Rudi Mahall, Axel Dörner, Johannes Bauer, Christof Thewes, Jean-Luc Cappozzo, Paul Lovens, Paul Lytton